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WebOuest La Photo en noir et blanc: est-ce utile en 2024?
Photo: Dominique Liboiron

La Photo en noir et blanc: est-ce utile en 2024?

L'art de la photographie: la lumière est notre pinceau
Par Dominique Liboiron | 13 janvier 2024
Est-ce que la photographie en noir et blanc à encore sa place en 2024? De nos jours, nous sommes bombardés d’images en couleurs alors le noir et blanc peut sembler vieux jeu. Par contre, ce style traditionnel possède bien des avantages. Il existe de nombreux cas où la photographie en noir et blanc est mieux que celle en couleur. Examinons-les de plus près.

Les couleurs nous distraient

Évidemment, les êtres humains voient en couleurs, mais ce fait crée aussi une tendance de voir en premier les couleurs dans une image à la place de voir le sujet.

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J’ai capté cette photo en couleurs, mais je la préfère en noir et blanc. Les cordes, les maillots et les dossards sont bleus et rouge vif. À première vue, nous remarquons leur intensité à la place de voir les émotions des boxeurs, soit la joie du vainqueur et surtout la peine du vaincu. Photo: Dominique Liboiron

Le noir et blanc transmet moins d’information et nous aide à cerner plus facilement le sujet ou les éléments importants.

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Nous pouvons simplifier nos photos lorsqu’elles sont en noir et blanc. Cela aide les gens à trouver sans effort le sujet. J’ai d’abord pris cette photo en couleurs, mais en la regardant mes yeux allaient ici et là vers l’anorak rose, ensuite au phoque gris, et enfin sur le bœuf musqué brun. En noir et blanc, mes yeux se dirigent directement au centre de la photo, là où se trouve le sujet. Photo: Dominique Liboiron

Quand une photo a trop de couleurs différentes, elle surstimule les gens qui la regardent. Ils y voient trop d’informations à la fois. Pour résoudre le problème d’un excès d’informations, le photographe peut imprimer sa photo en grand format ou il peut la prendre en noir et blanc.

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Cette photo, prise en couleurs, souffrait du même problème que les deux images précédentes. Elle avait trop de couleurs et ce n’était pas évident à quel endroit regarder. Lorsque l’image est en noir et blanc, l’œil passe plus facilement vers la première botte. De plus, le noir et blanc fait ressortir la texture de la peau de serpent et de la broderie. Clouées en farce sur une clôture dans le sud de la Saskatchewan, certaines de ces bottes contenaient des nids d’oiseaux. Photo: Dominique Liboiron

En l’absence de couleurs, nous remarquons plus facilement d’autres éléments d’une photo

Sans couleurs, un photographe peut mettre en évidence des éléments photographiques comme la répétition, la symétrie ou des patrons géométriques. La répétition crée de l’ordre et de l’harmonie dans une image. Par contre, elle peut être témoin d’excès, comme dans le cas d’hommes perdus au combat.

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Le noir et blanc contribue à cette image à trois niveaux. Commençons avec la répétition. Notez que les blocs de ciment au sol et les pierres sont placés et précisément alignés comme des soldats debout dans une formation militaire. En plus, les pierres tombales de ces anciens combattants se répètent de rangée en rangée. La répétition se poursuit de l’avant-plan jusqu’en arrière-plan, sans interruptions de couleurs. Passons maintenant au plan symbolique. Le noir et blanc donne aux pierres et à l’herbe une couleur plus uniforme, sans quoi le vert, symbole de vie, serait trop en évidence. Terminons en disant que le noir et blanc donne l’atmosphère solennel que mérite la photo. Photo: Dominique Liboiron

Au niveau de la symétrie, si une image contient des objets qui ont tous la même couleur, le noir et blanc ne serait pas peut-être nécessaire. Par contre, si l’image contient des objets de couleurs différentes, disons des planches en bois et des cloches en métal, le noir et blanc aide à faire ressortir la symétrie.

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Plusieurs éléments de la photo sont symétriques, notamment les planches, les cloches et les toitures, mais elles sont de couleurs différentes ce qui nuit à la symétrie. Une pagode est un édifice bouddhiste qui sert à abriter des reliques ou des écrits sacrés, mais elle peut être érigée en l’honneur de quelqu’un aussi. Construite en 1442, celle-ci se trouve dans la ville japonaise de Yamaguchi et porte le nom Goju no To ou Pagode à Cinq Étages. Photo: Dominique Liboiron

Quant aux patrons géométriques, le même concept s’applique – la couleur distrait. Par contre, si les patrons ont tous la même couleur, le noir et blanc, aussi nommé le monochrome, ne sera peut-être pas nécessaire.

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Mon voisin en face de chez moi au Japon aimait jardiner. Un de ses rosiers poussait jusqu’au ras de la toiture de sa maison. Le patron formé par les tuiles en ardoise me plaît. J’avoue que la version couleurs de cette photo (à droite) me plaît également. J’aime le teint rose de la fleur sur le fond noir. Photos: Dominique Liboiron

La texture

La photographie est un médium visuel. Par contre, nous pouvons ajouter un élément tactile, celui de la texture. Ce faisant, un photographe peut donner l’impression aux personnes qui regardent ses photos qu’ils les ressentent au bout de leurs doigts. Une photo que l’on voit et que l’on a l’impression de pouvoir toucher crée un impact puissant et reste dans notre mémoire. 

En termes de texture, un des maîtres est le photographe japonais Ken Domon. Il prenait des photos qui transmettent la texture. Certaines de ses photos transmettent même des émotions en raison des textures; je pense en particulier à ses photos des cicatrices des victimes de la bombe atomique. 

Né en 1909, Ken Domon était photojournaliste. Au cours de sa carrière, il a pris des photos d’une variété de sujets différents, mais toujours dans le but de montrer la réalité. Parmi ses sujets, concentrons-nous sur les statues bouddhistes et sur les citoyens d’Hiroshima blessés lors de l’explosion nucléaire. Il a également pris des photos des chirurgies et des greffes cutanés pour traiter les victimes de blessures de la bombe. Ce sont des images que l’on ressent profondément. Je ne vous donne pas d’exemples ici, car une fois qu’on a vu les photos, on reste un peu hanté. Si vous souhaitez les voir, vous pouvez les rechercher sur Internet ou dans des livres. La série de photos en question s’appelle Hiroshima. Mais soyez avertis. Les photos des greffes cutanés ne cachent rien de la douleur que les patients devaient ressentir. Vous risquez de ressentir au moins en partie cette même douleur.

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Ken Domon a pris cette photo de famille en 1957. Mais nous y voyons toujours les effets du bombardement atomique du 6 août 1945. Les cicatrices rugueuses sur le visage du père et sur sa main nous transmettent la douleur qu’il a subi. Photo: Nippon.com

À la suite des chocs politiques, militaires, culturels et sociaux causés par la Seconde Guerre mondiale, je ne m’étonne pas que Ken Domon se soit tourné vers sa culture traditionnelle. 

Une très grande partie de son œuvre comprend des photos de temples bouddhistes. Là, j’imagine qu’il a trouvé de la paix et de la stabilité. 

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Au cours de sa carrière, Ken Domon a pris en photo 39 temples bouddhistes. Il aimait capter les détails de lieux, comme le démontre cette photo de la main d’une statue de Bouddha. Les plis de la main et la texture du grain de bois ressortent en noir et blanc. Photo: MoMA.com

Ken Domon est le premier photographe au Japon à qui un musée a été dédié. Le Musée de photographie Ken Domon a vu le jour en 1983, soit 7 ans avant sa mort. La collection contient ses 70 000 photos.

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Les statues bouddhistes se font rares chez moi en Saskatchewan. Je trouve plus facilement la texture du bois sur un mur d’étable comme celui-ci. En plus, quelqu’un a marqué le mur avec un fer chaud. Nous y voyons un « brand » pour le bétail, ce qui ajoute davantage de texture en plus d’un élément humain. Photo: Dominique Liboiron

Le noir et blanc rend nos photos uniques

Regardez dans les revues et sur les réseaux sociaux – pratiquement toutes les photos sont en couleurs. Donc, vos photos auront un cachet particulier s’ils sont en monochrome. 

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Cet énorme tipi se trouve le long de la Transcanadienne à Medicine Hat en Alberta. Beaucoup de touristes arrêtent pour le prendre en photo. La majorité d’entre eux prennent des photos en couleur alors une prise en noir et blanc est hors du commun et distinguée. En plus, le noir et blanc rehausse le contraste entre les poteaux blancs et le ciel noir. Photo: Dominique Liboiron

En plus des bâtisses, certains autres sujets sont souvent captés en noir et blanc. En particulier, les autos et les animaux.

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Bien que la photographie de véhicules se fait d’habitude en couleurs, le noir et blanc démontre mieux la lueur du chrome. En plus, il évoque le passé, tel que vu dans cette image d’un camion Dodge de 1956. Cela étant dit, les véhicules des années 50 avaient de belles couleurs et elles disparaissent en noir et blanc. Auriez-vous deviné que ce camion est orange? Photo: Dominique Liboiron

Les couleurs d’animaux sont un des traits que nous remarquons en premier. Pour faire ressortir d’autres traits, il vaut mieux capter des photos en monochrome.

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En 2017, je me suis fait une cache dans ma cour afin de voir des oiseaux de tout près. Ce junco était à longueur de bras de ma cache. L’automne, des juncos comme lui passaient chez moi. Pour les attirer, je laissais au sol des graines, mais elles étaient multicolores alors on les remarque trop dans une photo. Le noir et blanc est plus propice non seulement pour cacher les graines, mais pour mettre l’accent sur la texture des plumes. Le junco ardoisé a un plumage gris foncé alors on ne perd rien en noir et blanc. Photo: Dominique Liboiron
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Nous savons bien que les lions sont jaunes donc une photo en couleur n’est pas nécessaire. Le noir et blanc préserve l’intensité du regard de cette lionne et nous remarquons davantage la texture de la fourrure. En même temps, la lionne a des yeux captivants et j’aime aussi la version en couleurs même si j’y vois moins de texture. Photos: Dominique Liboiron

Boni: deux avantages supplémentaires

En plus des avantages du noir et blanc que nous venons d’examiner, prenons le temps d’en explorer deux autres. D’abord, le monochrome peut favoriser les photos de personnes. Aussi, il aide les photographes à camoufler des défauts dans une image. Puisqu’une photo vaut mille mots, en voici une qui démontre ces deux avantages supplémentaires. 

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Quel âge a-t-elle? J’ai pris cette photo d’une dame nommée Hazel Foster le jour de sa fête quand elle venait d’avoir 105 ans à Maple Creek, en Saskatchewan. Elle a célébré en jouant du piano. Passons aux deux avantages du noir et blanc dans cette photo. D’abord, il met moins en évidence les imperfections de la peau comme les rides et les taches de foie. Ensuite, il cache le bruit numérique. Je voulais me servir de la lumière naturelle, mais la pièce où j’ai pris la photo, située dans le foyer où résidait Madame Foster, était un peu sombre. J’ai eu à monter l’ISO de la caméra à 1600, mais cela a créé du bruit numérique. Lorsque nous augmentons l’ISO, une caméra numérique « griche » comme lorsque le volume d’une télévision est trop haut. Ce « grichage » cause un effet visuel qui ressemble à de la neige dans l’écran d’une télé. Cet effet est à éviter car il entraîne un manque de détails et une perte de couleurs. Nous le voyons au plafond par-dessus Mme Foster. Par contre, à première vue nous ne le remarquons pas parce qu’il ressemble au grain typique d’une photo en noir et blanc. Vous venez d’apprendre un secret de la photographie. Pour cacher le bruit numérique, vous n’avez qu’à prendre la photo en noir et blanc ou de convertir une photo en couleurs en noir et blanc par après. Photo: Dominique Liboiron

Dans cet article, mon but était de me concentrer sur les atouts de la photographie en noir et blanc, mais j’admets bien sûr qu’elle comporte des faiblesses aussi. D’abord, le monochrome représente mal le passé. J’ai beaucoup de difficulté à imaginer le passé en couleur quand je regarde des photos en noir et blanc; surtout si les photos datent d’une époque lointaine, avant que je sois né. De plus, certaines scènes comme un coucher du soleil, un signe en néon la nuit ou des feuilles d’automne nous éblouissent grâce à leurs couleurs vives. En noir et blanc, ces scènes sont fades et manquent d’impact. Ensuite, la lumière dorée à l’aube et au crépuscule est spectaculaire, mais nous ne pouvons pas la capter sans une photo en couleur. Le mois passé, le photographe Jean-Pierre Parenty a partagé un excellent exemple de cette lumière dorée avec sa photo d’un ours polaire

Pour conclure, rappelons-nous que le noir et blanc cache les couleurs qui éparpillent notre attention tout comme il met en évidence la répétition, la symétrie, des patrons géométriques ainsi que la texture. D’ailleurs, le monochrome donne du cachet à nos images car la plupart des photos aujourd’hui sont en couleur. En somme, le noir et blanc à encore sa place en 2024. 

Je vous invite à partager vos photos avec nous. Prière de les envoyer à dliboiron4@hotmail.com et d’y inclure une courte description.

 

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