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WebOuest Xavier Mutshipayi, l’art de la représentation

Xavier Mutshipayi, l’art de la représentation

Mültimédiart
Par Murielle Jassinthe | 30 septembre 2022

La genèse d’une vocation

Xavier Mutshipayi, est un artiste peintre de Winnipeg, originaire de la République démocratique du Congo (Congo-Kinshasa). Il s’établit à Winnipeg le 24 décembre 2015, et plonge directement dans la froideur de l’hiver canadien. Bien qu’un défi d’acclimatation et d’adaptation devant passer les Fêtes loin des siens, il le relève au plus grand bonheur de la scène artistique winnipegoise.

Mutshipayi amorce sa découverte de l’art de manière ludique, à la maison. Son grand frère dessinant pour l’école du dimanche, il se joint à lui pour explorer les joies du dessin. Déjà à l’âge de 5 ans, il a un don et l’occasion d’être entouré d’individus formés en arts plastiques. Il étudie avec des professeurs qui lui apprennent les règles fondamentales du dessin, puis qui le poussent à explorer sa créativité, afin de développer son propre style artistique, son empreinte artistique.

Mutshipayi a plusieurs mentors qui, sans nécessairement lui avoir facilité l’entrée au cœur du monde de la peinture figurative, l’ont influencé ou aidé à évoluer. De même, plus tard, maints organismes culturels canadiens ont su participer à l’orientation de sa carrière artistique.

À l’âge d’effectuer des choix universitaires, il souhaite d’abord effectuer des études en arts. Cependant, son père étant médecin, ce dernier suggère que Mutshipayi emprunte ses traces ou tout autre domaine semblant pouvoir lui assurer la subsistance. Sensible à l’odeur du sang et des médicaments, il ne se voit pas embrasser la profession médicale. Il amorce donc des études en économie, considérant l’importance de savoir diriger sa carrière artistique (gestion et marketing). Bien que l’art lui soit naturel, il demeure conscient qu’il se doit d’accroître la maîtrise de ses talents en peinture. Il poursuit, parallèlement à ses études en économie, des formations spécialisées en arts.

Inspiré par la philosophie du joueur de basketball Kobe Bryant, quant à la nécessité de connaître les fondamentaux pour percer, il sait que de maîtriser les rudiments de la peinture lui a permis d’accéder à une certaine souplesse bénéfique à l’improvisation. Dans cette mesure, il utilise tout ce qu’il a devant lui pour créer ce qui l’inspire intimement.

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Image de Xavier Mutshipayi peignant une murale
« Inspiré par le monde qui m'entoure, déterminé à le recréer sur ma toile. »
- Xavier Mutshipayi

Les voix du monde

Sa démarche artistique puise dans la spiritualité aussi, tant Dieu que la femme l’inspirent par leur potentiel créateur. Dieu étant sa première source d’inspiration, il se considère, en tant qu’artiste, comme un imitateur. Il aime à travailler les détails d’un visage, d’une peau, mais considère que son œuvre n’a rien de comparable à celui du grand Créateur.

Puis, son inspiration prend racine chez la femme qui, merveilleuse, l’inspire non pas de manière superficielle, mais en vertu de sa force créatrice. L’influence cruciale des femmes sur l’humanité reste pour lui indéniable. Éducatrice des citoyen•ne•s de demain, elle est un apport à la communauté en tant que tel.

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Loss Voice, de Xavier Mutshipayi

Mutshipayi se considère comme un musicien inspiré. Parfois, l’être habité par la musique ne porte pas attention aux paroles d’une chanson, mais se laisse émouvoir par l’émotion qui en transpire. C’est l’esprit qui en ressort qui nous touche. C’est ainsi qu’en tant qu’esthète du quotidien, il lui arrive de créer lorsqu’il est profondément touché par une question. Il lui est difficile de conserver cette émotion en lui, il doit la sublimer par la création. Travaillant avec des collectionneurs privés (commandes) et des galeries (expositions), il lui arrive de peiner à se dévouer aux commandes préétablies, lorsqu’il est affecté par certaines situations propres au contexte social. Cela a d’ailleurs été le cas lors du meurtre de George Floyd, en 2020. Il n’a eu d’autres choix que de peindre pour sublimer, par devoir de mémoire.

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Peinture en l’honneur de George Floyd, de Xavier Mutshipayi
« Nous les humains, nous sommes si fragiles et pensons contrôler le monde […] »
- Xavier Mutshipayi

Conscient d’être un acteur communautaire, il veut apporter sa pierre à l’édifice tutélaire de la société contemporaine. Engagé, il peint certains portraits marquants de l’actualité ou qui reposent sur des questions et contextes socioculturels précis. Ceci, afin d’influencer la communauté, notamment la sensibiliser sur la discrimination des personnes afrodescendantes quant au traitement de la Covid-19. Il souligne que « [n]ous les humains, nous sommes si fragiles et pensons contrôler le monde », mais que nous nous retrouvons désemparés face à ce qui reste inéluctable. Pour Mutshipayi, la visée de l’art prend racine dans l’ascendant qu’il a sur le monde, d’où l’influence de l’artiste sur la société.

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Pandemic, de Xavier Mutshipayi

Mutshipayi s’intéresse davantage aux styles réaliste et hyperréaliste. L’hyperréalisme consiste en un mélange d’abstractions et de réalisme; ce qui en résulte est l’impressionnisme (par exemple, le portrait de George Floyd). Ses sujets ne sont relégués à aucune délimitation culturelle ou sociale. Cependant, il a à cœur de dépeindre des sujets afrodescendants et de représenter des êtres qui lui ressemblent. Le peintre est Noir et fier de l’être, aussi les Noirs de ses œuvres y sont empreints d’assurance. Mutshipayi représente la beauté, la force et la dignité, supprimant ainsi tout complexe d’infériorité ou de supériorité. Ainsi, il vise à insuffler courage et motivation; le courage de se sentir aimé de manière à inspirer chacun.

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African American, de Xavier Mutshipayi

C’est avec un regard frais et contemporain que Mutshipayi nous amène aussi à explorer un fragment de la culture ancestrale congolaise des habitants du lac Wageunia. Il nous initie à leurs pratiques communautaires évoluant autour de la pêche. La peinture Les pêcheurs du Wageunia, illustre la quête initiatique de l’enfant le menant à l’âge adulte. De même y sont représentées l’autorité (le personnage juché en amont), de même que l’ensemble de la communauté. Ceci représente bien un adage congolais stipulant qu’on ne peut se laver le visage d’un seul doigt, mais que la main entière est nécessaire.

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Les pêcheurs de Wageunia , de Xavier Mutshipayi

Lorsqu’il réalise une œuvre, Mutshipayi le fait avec son cœur, prend son temps, effectue des recherches et lectures personnelles pour élaborer une œuvre dont il est fier. La simple question pécuniaire est loin d’être essentielle. Il préfère céder son œuvre à un client conscient de sa valeur et dont l’être répond à l’inspiration de l’artiste. Mutshipayi se laisse lui-même guider par l’esprit en temps de création.

Arts, culture et société

La scène culturelle franco-manitobaine est vibrante, emplie d’artistes soudés et créatifs. Il considère qu’il est possible de vivre comme artiste francophone au Canada. Il souhaite qu’elle continue à se développer et souhaite concourir à son essor. Mutshipayi prépare notamment une exposition solo, qui aura lieu du 12 janvier au 23 février 2023 – à la galerie CAVA (Edmonton). Le portrait y sera à l’honneur.

Toutefois, il considère qu’un artiste ne se relègue pas à une seule communauté, car après avoir inspiré et s’être nourri d’un environnement, il se doit d’explorer d’autres horizons. Voyager en personne ou par l’entremise des artistes qu’on explore permet de partager un éventail d’expériences et de visions nouvelles. L’artiste doit travailler en profondeur, acquérir une certaine valeur pour parvenir à attirer les autres.

Un des membres fondateurs de la Canadian Black Artists United – aux côtés de Toluwalope Toludare, Bola Oriyomi et Yisa Akinbolaji, il contribue à ouvrir la scène artistique canadienne à la diversité. C’est une plateforme d’échange, ouverte à tous, qui se propose de transformer la représentation des Noirs dans la société et la scène artistique canadiennes. Une mission de longue haleine qui correspond à la vision de Mutshipayi, dont l’hyperréalisme nous interpelle de l’iris jusqu’à l’âme. Ce qui en ressort: une humanité.

Sur la piste

▶︎ Exposition solo : du 12 janvier au 23 février 2023, la galerie CAVA (Edmonton)

▶︎ Canadian Black Artists United:

https://www.xaviermutshi.com/canadianblackartistunited 

https://ici.radio-canada.ca/ohdio/premiere/emissions/culture-et-confiture/segments/entrevue/406386/xavier-mutshipayi-peinture-engagee-artiste-noir

▶︎ Association des groupes en arts visuels francophones: https://www.agavf.ca/a-propos 

▶︎ Centre culturel franco-manitobain: https://ccfm.mb.ca/

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