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WebOuest Value Village: héros ou zéro?

Value Village: héros ou zéro?

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Par Joëlle Preston | 3 août 2022
Récemment, Value Village a annoncé son intention d’ouvrir un magasin-boutique en Ontario. Ceci semble suggéré que Value Village a l’intention de dénicher des trésors pour les revendre dans un cadre plus raffiné (d’où le nom « boutique »), et sans doute pour des prix plus élevés. Comme on peut l’imaginer, les entrepreneurs axés sur la revente n’ont pas bien accueilli cette nouvelle, surtout que Value Village était déjà un magasin controversé parmi les connaisseurs du « thrift »…

Parmi les quatre grandes chaînes de magasins d’occasion, Value Village est le seul qui est à but lucratif, tandis que les trois autres – Goodwill, Armée du Salut et Mennonite Central Committee Thrift Stores (MCC) sont charitables. De plus, entre Value Village et ses contreparties à but non-lucratif, les différences de prix sont notables, et souvent discutées de façon négative entre re-sellers et les passionnés du thrifting. J’ai souvent participé à la discussion, même que j’ai souvent encouragé d’éviter Value Village, la raison primaire étant de militer contre l’enrichissement des grandes corporations nationales et multinationales. Par contre, l’annonce de l’ouverture de la boutique et les conversations que j’ai eu avec mes pairs m’ont fait réfléchir un peu plus au concept et à la structure de ces magasins, donc je me suis lancée dans ce sujet pour explorer la vérité derrière ces magasins controversés.

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Photo du premier Value Village à San Francisco, 1954

Premièrement, explorons la différence entre charitable et à but lucratif. Essentiellement, le magasin d’occasion charitable cherche à vendre simplement pour pouvoir appuyer leur mission charitable, et non pour créer un profit. Ils opèrent grâce aux bénévoles, en plus des employés. De plus, les ventes appuient directement les activités et les efforts charitables qu’ils représentent, même si une partie conséquente de leur fond de roulement découle des ventes des magasins charitables. Je me rappellerai toujours d’un échange que j’ai eu avec un employé du MCC sur la rue Sargent à Winnipeg, en décembre 2020. Les magasins d’occasions venaient tout juste de rouvrir leur porte car ils ont été désignés essentiels après les premières fermetures dûes à la covid-19. Ce magasin, spécifiquement, prenait des clients par rendez-vous seulement. Durant mes 30 petites minutes allouées juste à moi, j’ai discuté avec la gérante qui m’a raconté qu’elle était très heureuse de pouvoir accueillir sa clientèle, puisque 70 à 80% des fonds de roulement du MCC proviennent de leur magasin d’occasion, surtout durant le temps des fêtes. C’est donc clair que ces organismes de charité dépendent grandement de leurs ventes de biens d’occasion, ainsi que des donations du public. 

Pour Value Village, c’est une corporation et donc un organisme à but lucratif. Fondé à San Francisco en 1954, aujourd’hui c’est une chaîne sous le nom de Savers, avec des magasins au Canada, aux États-Unis et en Australie. Mais est ce que les prix élevés de Value Village sont vraiment le résultat du fait que c’est une corporation multinationale? Une raison évidente des prix plus élevés, c’est que ces magasins sont gérés exclusivement par des employés, et donc les salaires et bénéfices sont plus importants que les magasins charitables. Une autre observation est l’emplacement. Les Value Village sont de beaucoup plus grandes surfaces, et souvent près des centres d’achat, dans des endroits plutôt commerciaux, ce qui suggère des loyers plus élevés.

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Photo du premier Value Village à San Francisco, 1954

Une chose que je ne savais pas par contre, c’est qu’ils payent des charités locales pour les donations reçues: « nous acceptons les dons de vêtements et d’articles ménagers au nom de nos partenaires et nous les payons pour les biens reçus, les aidant ainsi à financer leurs programmes dans nos collectivités. » De plus, leur rapport annuel de 2022 rapporte qu’une grande partie de leur stock est acheté directement d’organismes charitables. Ceci veut donc dire que Value Village fait un don monétaire avec chaque don de biens ou de vêtements reçus, et qu’ils achètent une partie conséquente de leur stock de ces organismes. Entre 2016 et 2022, ces activités ont résulté en plus de 670 000 000 $ versés à plusieurs partenaires charitables locaux. Alors que c’est sûrement beaucoup moins que leur profit net, c’est quand même une somme impressionnante qui appuie directement des organismes charitables – un peu comme les entrepreneurs de revente le font quand ils achètent des biens ou des vêtements d’un organisme charitable, et les revendent plus cher à leur clientèle. 

Donc, vu les coûts d’opérations plus élevés, et la façon dont Value Village se procure son stock, je me demande si après tout les prix sont vraiment si choquants. Est-ce qu’avec ses nouvelles boutiques Value Village, la corporation paiera à ses partenaires des sommes plus élevées pour les trésors de haute qualité qu’elle déniche? Est ce que les prix plus élevés sont un peu plus justifiables car ils appuient directement des organismes charitables? Est-ce que les entrepreneurs de revente peuvent critiquer cette multinationale de fonctionner de la même façon qu’eux? Ce sont là quelques questions sur lesquelles réfléchir la prochaine fois que vous visiterez un Value Village…

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Photo du premier Value Village à San Francisco, 1954
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