Divertir, Découvrir, Enrichir
WebOuest SOINS DE SANTÉ: FRUSTRATION CHEZ LES NOUVEAUX ARRIVANTS FRANCOPHONES
Photo: FatCamera (Canva)
Les Montagnes

SOINS DE SANTÉ: FRUSTRATION CHEZ LES NOUVEAUX ARRIVANTS FRANCOPHONES

Par Jeanne Lehman | 2 mai 2022
Les immigrants ont souvent du mal à s’adapter au système sanitaire canadien car il est différent de celui de leur pays d’origine en divers points. En ajoutant à cela l’obstacle linguistique pour les francophones venant d’Afrique, ainsi que les conséquences de la Covid-19, l’écart au niveau de l’accès aux médecins et spécialistes s’est creusé.

Dans leur pays d’origine, il n’est pas question de médecin de famille et ils n’ont pas besoin d’une référence pour aller voir un médecin spécialiste. Le patient se rend directement chez le spécialiste concerné pour faire sa consultation. De même, quand il se rend en pharmacie, le patient reçoit sa prescription sans avoir besoin que le pharmacien la conditionne sur place. Ici cependant les choses se passent autrement dans l’approche et dans le fonctionnement.

Il est recommandé d’avoir un médecin de famille afin de bénéficier d’un meilleur suivi médical. Dans la pratique, comme le dit Hermann William Mzebaze, pharmacien propriétaire, une femme enceinte voit d’abord son médecin de famille avant d’être référée à un obstétricien. Le temps mis à voir un médecin spécialiste est tellement long que certains patients désespèrent du système de santé. Après avoir vu un médecin généraliste depuis quelques semaines, une famille attend toujours le coup de fil de l’ophtalmologue pour examiner l’œil de leur fille.

Dans le contexte post pandémique actuel, il est évident que les médecins et les spécialistes sont débordés car, en plus des problèmes d’isolement causés par la COVID et ses impacts sur la santé mentale des nouveaux arrivants, les patients ont renoué à fréquenter les hôpitaux en présentiel. À ce propos, une conseillère en établissement d’un organisme francophone m’a confié qu’une disponibilité a été trouvé début septembre 2022 avec un médecin de famille bilingue pour une nouvelle famille arrivée en février à Edmonton. Y’a-t-il des alternatives s’il y a un besoin en santé?

WebOuest
Photo: peterspiro (Canva)

Les urgences sont le dernier recours

Oui évidemment et c’est à ce niveau qu’apparaît une autre problématique. Celle du manque d’information, voire d’une information approximative. Il existe en effet, plusieurs alternatives pour voir un médecin et bénéficier de soins de santé, et c’est très facile, soutient Hermann William. Mais beaucoup d’immigrants francophones n’en savent pas grand-chose et cela peut se comprendre, ajoute-t-il.

En tant que leaders communautaires et organismes d’intégration et d’encadrement, il est donc de notre responsabilité, premièrement d’être bien informé et deuxièmement de partager la bonne information. Il est bien dommage de constater qu’une personne ignorait que le service d’ambulance est facturé au patient lorsqu’il n’a pas de couverture assurance privée, ou d’autres qui se plaignent des heures passées aux urgences en dépit d’atroces douleurs avant de bénéficier des soins. Le constat est que les nouveaux arrivants reçoivent une information standard, à savoir qu’ils doivent aller aux urgences lorsqu’ils ont un problème de santé grave sans plus de détails ni précisions sur la particularité des urgences canadiennes. C’est ce qui explique nombre de frustrations car le temps d’attente qu’ils y passent est interprété de façon diverse par ces derniers. Face à leur détresse, d’aucuns croient à tort qu’il s’agit de racisme alors qu’il n’en est rien. Ils ignorent qu’il existe un système de triage au niveau des urgences, souligne Hermann William Mzebaze. Tous les patients qui arrivent ont accès à un agent de santé qui évalue leur situation et détermine ensuite la priorité pour la prise en charge.

Voici ce qui est dit sur le site de Service de Santé Alberta : « Emergency Departments provide access for patients suffering from life threatening to minor conditions. Emergency is not a first-come, first-serve system. Critical patients are attended to first ». Ce qui veut dire que les urgences sont dédiées aux cas de santé les plus critiques; tant que votre vie n’est pas sérieusement menacée ce n’est pas l’endroit ou allé en cas de crise médicale. Alors, lorsqu’on a la bonne information, il s’avère naturellement que ce n’est pas le premier recours.

Dans mes recherches, je me suis rendu compte que le temps d’attente moyen pour le Royal Alexandra Hospital d’Edmonton au 20 avril 2022 était de 5 heures et 12 minutes, celui de Sturgeon Community Hospital de St. Albert était de 6h20 contre 2h54 pour le Grey Nuns Community Hospital. Ce qu’il faut comprendre par ailleurs, c’est que ces délais sont différents d’un jour à l’autre.

D’autres alternatives

Ainsi donc bien que les nouveaux arrivants francophones préfèreraient faire appel aux médecins qui parlent la langue qu’ils maîtrisent le mieux pour des problèmes de santé mineures, si on n’a pas accès à son médecin de famille francophone ou bilingue, il y a plusieurs autres options selon le Service de Santé Alberta : en tant que francophone, avec l’aide d’un proche pour l’interprétation, on peut aller dans une clinique sans rendez-vous ou appeler le 811, la ligne Health Link, ou voir un pharmacien pour recevoir un accompagnement. Il existe également des centres de soins d’urgences avec des heures de consultation prolongées pour des cas sérieux tels que des blessures graves, des os brisés, des crises d’asthmes, etc. Il y a aussi la possibilité de fréquenter un centre de santé communautaire ou les centres de soins ambulatoires. Dr Jennifer Njenga, d’expression anglophone et fondatrice de la clinique mobile Canada Home Care Group explique que sa clinique ambulatoire se déplace vers le patient, c’est-à-dire à son domicile et que cela est gratuit. Les frais sont pris en charge par le gouvernement albertain. La seule condition est d’avoir sa carte de santé de l’Alberta. Ils interviennent généralement en dehors des heures régulières et les week-ends lorsque les services traditionnels sont indisponibles.

La francophonie du Nord et de l’Ouest habite sur des territoires visés par de multiples traités avec les peuples autochtones ainsi que des territoires non cédés. Ces peuples ont accueilli les premiers francophones et les ont aidés à survivre et prospérer. C'est dans le respect des liens avec le passé, le présent et l'avenir que nous reconnaissons la relation continue entre les peuples autochtones et les autres membres de la communauté francophone. Au-delà de cette reconnaissance, WebOuest s’engage à mettre en lumière des histoires des peuples autochtones qui habitent toujours ces terres.