On a parlé entre autre de l’importance d’une approche féministe dans le domaine de la santé mentale en ce qui concerne la santé reproductive mais aussi des nombreuses lacunes qui existent encore tant ici qu’en France pour reconnaître que la santé mentale ne peut pas être dissocié de la santé physique.
Pour commencer, j’ai demandé à Sonia Assier de me parler brièvement sur son parcours et comment elle a découvert l’importance d’une approche féministe dans le domaine de la santé mentale.
C’est en obtenant un stage en soins hospitaliers en maternité qu’elle a découvert l’importance d’une approche féministe pour comprendre qu’il existe en fait encore beaucoup de méconception en ce qui à trait la santé mentale dans le contexte périnatal. « Souvent on ignore que la maternité au fait c’est violent, c’est douloureux, c’est triste. »
Plus tard, elle a eu la chance d’avoir un contrat dans la fonction publique à temps plein en soins hospitaliers, encore une fois en maternité. Cela lui a donné l’occasion de se concentrer spécifiquement sur la douleur, et ensuite sur les soins palliatifs en pédiatrie. Avec ce bagage très diversifié, elle a bien sûr rapidement compris l’importance d’une approche féministe dans sa pratique pour ne pas tomber dans les stéréotypes qui sont souvent associé avec la maternité, et pire encore dans les situations de prise en charge des soins palliatifs pédiatriques où encore là il reste beaucoup de travail à faire pour bien soutenir non seulement les femmes, mais aussi leurs partenaires dans leur processus de deuil.
J’ai ensuite demandé à Mme Assier de me parler des lacunes en matière de santé mentale reliées à la santé reproductive qu’elle a pu constater en tant que professionnelle de la santé mentale.
Selon ses expériences, il existe malheureusement encore beaucoup d’ignorance et de manque d’éducation en termes de santé sexuelle. « Il y a 5 ou 6 ans en France, j’ai constaté d’un point de vue général, qu’il fallait accepter la patiente là ou elle en est, mais je dois admettre que j’ai été choquée dans le discours de certaines patientes, jeunes et moins jeunes, de leur ignorance. Avoir 16 ou 17 ans et penser qu’un condom se perd dans ton corps est une question légitime, et démontre bien sûr un manque de faits connus. La lacune selon moi est donc dans l’éducation où l’on sépare la santé sexuelle, de la santé mentale et de la santé physique. Il y a un tout qui est disséqué et donc on a l’impression qu’on éduque mais pas dans une totalité. » De plus, en France elle a pu constater que la santé mentale n’est presque pas du tout prise en compte ou encore qu’elle est minimisée lors d’un IVG. Donc selon elle, il reste encore beaucoup de travail à faire pour mieux encadrer les IVG afin d’adopter une approche plus holistique par le personnel soignant dans le système en France.
En ce qui à trait à ses expériences au Canada, Mme Assier a pu constater qu’en comparaison avec la France « la société est beaucoup plus dans une position féministe – ce qui change quand même la donne considérablement » dans l’approche de l’éducation sexuelle, par exemple. Soulignons que les expériences de Mme Assier ont été surtout dans la santé communautaire auprès d’un public très spécifique, notamment des femmes victimes de violence conjugale. Dans un tel contexte, il est de mise que l’approche soit centrée sur la femme par dessus tout en évitant le plus possible les instances institutionnelles qui traditionnellement alourdissent l’accès au soutiens nécessaires pour les réparations mentales essentielles des victimes, typiquement marginalisées par un système raciste et sexiste.
Pour finir, j’ai demandé à Mme Assier comment selon elle la récente nouvelle que la Cour suprême des États-Unis a infirmée Roe v. Wade, pourrait affecter la santé mentale des femmes.
Selon Mme Assier, c’est une décision qui ne peut pas être ignorée, puisque les États-Unis est le seul pays limitrophe avec le Canada, tout en «étant un pays de grande puissance mondial et qui partage quand même des valeurs qui ressemblent à celles du Canada. C’est bien normal de sentir de la peur et de la colère. Ça nous touche tou·te·s parce qu’on parle d’un principe fondamental et ça nous fait nous rendre compte à quel point ces droits qu’on tient pour acquis sont précaires. Cela n’aide pas que dans le contexte général de la Covid, on est encore plus sensibles et accablés par les nouvelles ». Cependant, selon Mme Assier, si au contraire on utilise cette occasion «catastrophique pour en parler et élargir la conversation en dehors de nos cercles et qu’on libère la parole c’est beaucoup mieux que de se laisser emporter par des vagues de tristesse et désespoir. Il est toujours mieux d’inclure le plus de monde possible dans la conversation » afin de se soutenir et faire que les choses avancent dans la bonne direction.