Divertir, Découvrir, Enrichir
WebOuest Le destin tragique des Tourond à Batoche (2e partie)

Le destin tragique des Tourond à Batoche (2e partie)

Le nom de famille, tout un héritage!
Par Martine Bordeleau | 30 Décembre 2023

Le mois dernier, je vous ai présenté Joseph Tourond père et l’un de ses fils, Jean-Baptiste, issu de son deuxième mariage avec Rosalie Pontbriand dit Ladéroute. Mais avant de fonder cette famille, Joseph a eu un enfant d’une première union avec Charlotte Gladue. Ce garçon s’appelle Joseph, comme son père. Voici quelques faits de son histoire, celle de son épouse Josephte Paul et de leurs enfants, dont certains ont donné leur vie à la cause Métisse à Batoche lors de la Résistance de 1885.

Joseph Tourond fils est né en 1826 à la Rivière-Rouge, une mission fragile alors qu’elle vient de subir un hiver rigoureux et l’une des inondations printanières les plus dévastatrices de son histoire. En 1850, Joseph fils épouse Josephte Paul à Saint-François-Xavier (Manitoba) où ce couple de fermiers élève dix enfants. Joseph et son demi-frère Jean-Baptiste, ont fait partie du groupe de Métis qui, en 1869 aux côtés de Louis Riel, empêchent des arpenteurs envoyés par le gouvernement canadien de marquer ce territoire sans consulter la population locale. 

WebOuest
Cette carte nous montre les homesteads appartenant aux Tourond à Fish Creek (Tourond’s Coulée) vers 1884-1886. Source: Collection Morton Manuscript, University of Saskatchewan Libraries

En 1882, Joseph et Josephte décident de partir vers la Saskatchewan et s’établissent sur une ferme tout près de Batoche. L’endroit, Coulée Poisson ou Fish Creek, prend le surnom de Tourond’s Coulée. Là encore, les Tourond sont des militants actifs pour les droits des Métis. Dès leur arrivée, ils font partie des signataires d’une pétition envoyée au premier ministre John A. Macdonald pour revendiquer leurs droits fonciers ignorés par le gouvernement canadien (cette pétition restera sans réponse, comme toutes les autres venant des Métis de l’époque). Pour la famille Tourond qui a vécu une situation semblable au Manitoba en 1869-70, c’est un dur rappel que rien n’est acquis pour les Métis dans l’Ouest devant un gouvernement canadien qui les ignore. À leurs yeux, cette injustice mérite d’aller au combat en 1885, nommé la Résistance du Nord-Ouest.

WebOuest
Soldats non identifiés vers 1885, à Tourond’s Coulée/Fish Creek. Source: James Peters / Bibliothèque et archives Canada

La tragédie frappe les Tourond à plusieurs reprises depuis leur arrivée à Batoche. En 1883, Joseph meurt subitement à 54 ans, laissant son épouse Josephte avec cinq enfants vivant encore sous leur toit. Cette femme forte prend la relève seule de la ferme familiale. Elle sera connue toute sa vie par le surnom affectueux de Veuve Tourond. Ses six fils prendront part à la Résistance du Nord-Ouest. Le 14 mai 1885, dernier jour des combats, Elzéar et Calixte sont tués par des soldats canadiens. En juillet de la même année, leur frère Charles succombe à la tuberculose. Pierre est blessé gravement lors d’un affrontement et meurt deux ans plus tard. Patrice et Francis (ou François) se battent aussi à Batoche et sont faits prisonniers à l’issue des combats. Ils seront ensuite libérés sous condition. Enfin, David, l’aîné de la famille, s’exile au Montana, mais revient peu de temps après pour finir ses jours à Batoche. 

WebOuest
On voit ici quelques combattants Métis faits prisonniers par les soldats canadiens à la fin des affrontements de 1885. Au numéro 11, la photo indique un certain Tourond. Il pourrait s’agir de Patrice ou Francis (fils de Joseph et Josepthe), car ils ont été tous les deux brièvement arrêtés à Batoche. Source: Société historique de Saint-Boniface, MSB 0522

Une des filles Tourond n’est pas épargnée par la tragédie. Il s’agit de Marie-Thérèse, victime de la tuberculose à 25 ans, en 1891. Enfin Élise, qui n’a que 17 ans au moment de la Résistance, aura une longue vie en compagnie de son époux Raphaël Boyer et de leurs enfants. Elle réside à Batoche jusqu’à son décès à 94 ans. Je vous invite à lire (en anglais) le témoignage de son petit-fils, Henri Paulhus, qui, en 2008, rendait un hommage touchant à sa famille.

Comme beaucoup de femmes Métisses, la Veuve Tourond fait preuve de courage en 1885, tenant tête aux soldats canadiens qui pillent ses biens et détruisent sa ferme, en plus d’abattre son bétail. Au milieu des combats, elle s’occupe de Virginie, l’épouse de son fils David alors qu’elle donne naissance à un garçon. Quand les troupes canadiennes se sont retirées de Batoche, Josephte a repr is sa vie de fermière et de cheffe de famille jusqu’à son décès en 1928 à l’âge de 97 ans.

Il existe deux documents numériques en anglais dans le site metismuseum.ca qui racontent l’histoire des Tourond à Batoche:

🔸 Biographie de Josephte Paul Tourond

🔸 Biographie des Tourond de Batoche

 

La francophonie du Nord et de l’Ouest habite sur des territoires visés par de multiples traités avec les peuples autochtones ainsi que des territoires non cédés. Ces peuples ont accueilli les premiers francophones et les ont aidés à survivre et prospérer. C'est dans le respect des liens avec le passé, le présent et l'avenir que nous reconnaissons la relation continue entre les peuples autochtones et les autres membres de la communauté francophone. Au-delà de cette reconnaissance, WebOuest s’engage à mettre en lumière des histoires des peuples autochtones qui habitent toujours ces terres.