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WebOuest Julie Vaddapalli, les plaisirs de la vie
Julie Vaddapalli, artiste multidisciplinaire © Murielle Jassinthe

Julie Vaddapalli, les plaisirs de la vie

Mültimédiart
Par Murielle Jassinthe | 10 Décembre 2022
C’est par un soir d’Halloween que je m’entretiens avec Julie Vaddapallil; la froideur de l’Arctique n’empêche ni zombies ni ninja de défiler dans les rues. Au rythme des crissements de la neige sous une myriade de pas empressés, Vaddapalli me fait des confidences empreintes d’un appétit pour la vie. Vaddapalli est d’abord pianiste classique (musicienne, enseignante et musicothérapeute), puis artisane et artiste visuelle. Ayant touché à plusieurs médiums artistiques tels que céramique, sérigraphie et autres techniques d’impression, peinture à l’huile et théâtre, chaque projet est une quête de dépassement de soi.

AUDIO: Mes passions

Voyager vers l’autre

Pour comprendre l’artiste, il est essentiel de connaître son cheminement de vie atypique. Artiste multidisciplinaire francophone du Nunavut, Vaddapalli ne limite pas son identité au Nunavut ni à la francophonie, car sa vie est marquée par les voyages, les cultures et la rencontre de l’autre. En effet, fille d’une mère québécoise et d’un père indien, elle a eu le privilège de voyager à travers le monde dès un jeune âge. Ayant vécu dans des milieux francophones en situation majoritaire et minoritaire à travers le Canada, Bathurst (N.-B.), Montréal (QC), Vancouver (C.-B.) et Iqaluit (NU), ces espaces de vie sont partie intégrante de son identité.

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Peinture à l’huile, par Julie Vaddapalli

Ces rencontres culturelles ont exacerbé la curiosité innée de l’artiste, lui permettant d’ouvrir son esprit aux coutumes, aux traditions et aux mets du monde. Selon elle, les cultures et les arts – comme les vêtements traditionnels, la céramique, les tissus, les couleurs et ce qui se rapporte à une appréhension de la nature – témoignent de l’identité d’un peuple. Les voyages ont ainsi aiguisé sa sensibilité aux coutumes, aux manifestations artistiques et artisanales ainsi qu’aux êtres humains de différents pays. C’est ainsi qu’elle s’est créé un leitmotiv: celui de la nature.

AUDIO: Curiosité

Son engouement pour l’altérité la mène à côtoyer d’autres artistes de pratiques diverses afin de partager avec eux savoir et regard sur le monde. Dans un échange généreux se déployant de l’un vers l’autre, se révèle en secret une même sensibilité au langage multiforme. Aussi, joignant son amour de la nature à l’art performatif, elle prête sa voix à divers projets, notamment à The Patch Trilogy. Oeuvre de l’artiste Bonnie Baxter, elle est consacrée à une réflexion sur l’écologie naturelle, communautaire et politique. Ce projet de vidéographie immersive est exposé au Musée d’art contemporain des Laurentides (Saint-Jérôme, Québec), du 1er septembre au 11 décembre 2022.

Une initiation

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Julie Vaddapalli, artiste multidisciplinaire © Murielle Jassinthe
« Très jeune, j’étais obnubilée par cet instrument qui trônait dans le salon. »
- Julie Vaddapalli

Vaddapalli a très tôt amorcé l’apprentissage de la musique classique. En fait, sa mère ayant étudié le piano, il y en avait un à la maison. Dès l’âge de quatre ans, sa curiosité la poussait à interrompre les leçons de ses sœurs ainées afin de s’exercer elle aussi sur les touches ensorcelantes. Elle était mue par le désir de comprendre le fonctionnement de cet instrument, c’est-à-dire la manière dont le son, la musique et tant de beauté pouvaient en naître.

AUDIO: Obnubilée

Durant son expérience de vie à Bathurst, elle s’épanouit à travers son amour de la musique classique. Cependant, ses années de formation comme pianiste classique se produisent lorsque la famille Vaddapalli arrive à Montréal et que la pianiste commence à étudier à l’École de musique Vincent-d’Indy avec sœur Hélène Denoncourt. Les années qu’elle y passe aux côtés de sa professeure, du secondaire à la vie adulte, ont une place marquante dans sa vie, car elles influencent tant sa manière de jouer que d’enseigner la musique.

AUDIO: Extrait de Clair de lune (Claude Debussy), par Julie Vaddapalli

L’influence de sœur Hélène

AUDIO: Soeur Hélène

À cette époque, elle poursuit des études en concentration musique au secondaire, ainsi qu’au Cégep. Puis, à la suite d’une année en musique à l’université McGill, elle décide d’allier son amour de la psychologie à sa pratique musicale et poursuit un baccalauréat en musicothérapie à Vancouver, à Capilano University. Au cours de cette période, elle pratique la musique et l’improvisation musicale, poursuit l’apprentissage du piano et découvre les joies de nouveaux instruments. Elle passe quelques années dans l’Ouest avant de revenir à Montréal. 

Multidisciplinaire, elle décide d’explorer la pratique d’autres médiums artistiques. Ainsi, elle poursuit le diplôme du programme du Centre de céramique Bonsecours aux Métiers d’arts du Cégep du Vieux Montréal. Parallèlement, elle poursuit ses leçons de piano avec sœur Hélène. La relation d’amitié qu’elle a tissée avec cette dernière perdure jusqu’à la fin de sa carrière de professeure. Ce, dans le même studio qui, témoin de leurs échanges, a vu grandir Vaddapalli au tempo de son amour de la musique.

« J’ai eu professeur extraordinaire, sœur Hélène, qui m’a marquée dans ma vie d’adulte. […] J’ai eu cet honneur…ce privilège de passer ses dernières années [de professeure] avec elle. »
- Julie Vaddapalli

Lorsqu’elle accompagne ses élèves sur la voie de l’apprentissage, Vaddapalli conserve l’approche pédagogique de l’enseignement de la musique apprise avec sœur Hélène. Passionnée, elle veut qu’une autre génération expérimente ce même plaisir. Elle dit vouloir s’assurer que l’art perdure dans leur vie et reste une couleur qui s’y transpose. Fière de ses élèves, elle les amène à vivre des expériences diverses, comme des classes de maître et des occasions de se produire en public avec d’autres groupes musicaux d’Iqaluit.

L’art du divin

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Céramique, par Julie Vaddapalli

Son attirance pour les métiers d’art la mène à l’étude de la céramique. Elle s’adonne même, à cette période, au soufflage du verre. Le processus de transformation de la matière, grâce à la chaleur, le souffle et le mouvement, est une découverte qu’elle affectionne. Vaddapalli explore aussi différents médiums et techniques en art visuel. Ayant étudié les techniques d’impression, elle allie son amour pour la matière à l’exploration des possibilités matérielles du papier avec pour tout objectif celui de raconter une histoire.

« Chaque étape est toujours un plaisir à découvrir, un plaisir à mettre en place, un plaisir à faire avancer la matière en tant que telle. Et dans un but de réaliser une œuvre qui est un morceau de toi, qui te représente […] »
- Julie Vaddapalli

AUDIO: Un plaisir

Les pièces de céramique faites au colombin sont un exemple de cet état de grâce issue du fait d’avoir surmonté les défis propres à la matière et à un art. L’argile étant poreuse, créer une œuvre aux colombins est un acte de foi. Comme on n’utilise pas de tour en céramique, on doit façonner à la main des boudins d’argile qu’on érige, un colombin à la fois, et sur lequel viendra reposer le suivant. À un certain moment, on doit interrompre l’édification du vase pour le laisser partiellement sécher avant de poursuivre. Sinon, les colombins risquent de ne pas coller l’un à l’autre (argile trop sèche) ou le vase s’expose à l’affaissement (argile trop humide). Il faut s’armer de patience et apprivoiser le moment, afin que l’œuvre d’art se révèle.

« L’important est de se laisser émerveiller par les petits plaisirs de la vie. »
- Julie Vaddapalli

D’après Vaddapalli, l’artiste crée à partir de ce qui l’émerveille dans la nature ou les mots de tous les jours. Ce sont dans les étapes inhérentes à la production de ces œuvres d’art, ces objets, que réside le plaisir de la création: la résilience. Ainsi va la vie, faite d’obstacles qui, une fois surmontés, créent la beauté, voire le divin. Ce plaisir, elle l’entretient à travers les différents médiums qu’elle explore et, par le fait même, elle se laisse aller aux plaisirs de la vie.

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