En tant qu’artiste multimédia, Sarah fait utilisation de médias dans une grande variété de formats, tels que des installations, le film documentaire, la photographie, le son, la performance et la vidéo.
Pour commencer j’ai demandé à Sarah comment est-ce que ses valeurs féministes informent sa pratique artistique?
« Comme dans la vie, je crois, en tout cas pour moi, qu’il est impossible de réfléchir au monde sans s’attarder à la question de genre et plus précisément à l’iniquité des genres. On ne peut pas, de nos jours vivre dans ce monde sans prendre une position féministe qui interprète que, bien sûr, on parle ici d’un mouvement toujours inachevé qui est toujours en train de trouver des nouveaux angles libres du patriarcat. Donc ma pratique artistique consiste à trouver aussi un langage qui me permet de m’exprimer à l’extérieur de cette oppression patriarcale. Mes œuvres sont donc une contestation et une critique à cette oppression, et qui proposent des alternatives à cette dernière. »
À part d’être une artiste accomplie, Sarah est aussi maman d’un petit garçon de 8 ans je lui ai donc ensuite demandé de me parler sur comment elle approche la maternité en tant que féministe?
« Je trouve que tout ce que je fais dans la vie maintenant que ça soit dans ma pratique médiatique ou dans l’académie, je ne conçois plus sans réfléchir sur la maternité… mais pas dans le sens de la reproduction humaine mais plutôt dans un sens plus large du terme, voire même une philosophie de vie. Pour moi, la maternité est une manière d’approcher la vie dans un sens de prendre soin; prendre soin non seulement de nos enfants, mais aussi des communautés dans lesquelles on participe. Je conçois aussi la maternité dans ce monde comme une sorte d’activisme. De plus, dans une époque où on vit une montée d’ingérence et de contrôle politique de nos ventres, on ne peut pas non plus séparer le féminisme de la maternité et un féminisme qui exclut la maternité n’est pas du féminisme; nos enfants, nos visions artistiques, nos visions politiques sont toutes interconnectées. »
Sarah Shamash fait aussi partie d’un collectif artistique de mamans très actif ici à Vancouver qui s’appelle art/mamas. Je lui ai donc demandé pour finir l’entrevue de me parler un peu de l’importance de ce collectif au sein de sa vie comme artiste et mère de famille.
Le collectif art/mamas a été établi en 2016, par deux artistes médiatiques ici à Vancouver: Natasha McHardy et Matilda Aslizadeh. Natasha a approché Sarah pour l’inviter à rejoindre le collectif lorsque son fils avait 2 ans et qu’elle faisait son doctorat: « La plupart d’entre nous avions des enfants de jeune âge et on voulait absolument créer un espace où on pouvait se sentir soutenues entre nous, ainsi que de se sentir rentables à soi-même et au groupe en tant qu’artistes. C’était très informel, on se réunissait toujours chez une des participantes. On était toutes des artistes qui travaillaient aussi dans le monde académique, on avait plusieurs intersections, comme être artistes, mamans et en même temps on travaillait pour soutenir nos familles.»
Sarah m’explique que ce collectif offrait aux femmes, c’était surtout un modèle qui marchait pour les circonstances qu’elles vivaient leur permettant « d’articuler un discours féministe dans un espace centré sur les femmes et de créer dans nos vies et nos chaos d’être.»
De plus, cet espace était important car la scène artistique à Vancouver est dominée par des hommes très connus en photo-conceptualisme, laissant peu de place pour l’épanouissement des femmes artistes et encore moins pour les femmes artistes devenues mamans. Sarah me confie que même à cette époque-là (2012-2015), «souvent les femmes devaient cacher leur grossesse car devenir mamans aurait nuit à leurs possibilités de participer à des expositions». C’est dans ce contexte que le collectif prend une place d’autant plus importante dans la vie de ses femmes artistes qui se sentent très libres de créer sans la pression du monde artistique.
Pour Sarah Shamash, ce collectif a été primordial pour continuer à pousser sa pratique en arts médiatiques tout en restant très active comme réalisatrice. Très récemment, elle a lancé son dernier documentaire: From Chile to Canada: Media Herstories, un documentaire qui nous plonge dans un événement historique d’art médiatique mené par des artistes féministes à Vancouver en 1987.
J’ai eu la chance d’assister à un visionnement communautaire du documentaire ici à Vancouver et la citation du début du film par Soledad Muñoz, artiste et activiste de la diaspora chilienne m’a grandement interpellée et qui englobe très bien la pratique de Sarah: