Pour préparer ce blogue, j’ai recherché les Desautels et les Lapointe qui se sont distingués dans l’histoire de la Saskatchewan à la suggestion de l’un de leurs descendants, Yves Lapointe, bénévole à la Société historique francophone de la Colombie-Britannique. Il m’a fait part d’explications possibles sur l’origine du nom Lapointe associé à celui de Desautels : « Par exemple, on sait que tous les hommes qui montaient à bord des navires pour la Nouvelle-France recevaient un patronyme qui s’ajoutait à leur nom. Celui-ci désignait souvent soit l’origine (lieu) ou une particularité physique comme, dans le cas de Lapointe, un nez pointu, ou encore un objet lui ayant appartenu comme une lance ou une hallebarde. Ce surnom était reçu comme un talisman pour protéger durant la longue traversée. »
Ces possibles origines s’ajoutent à celles que j’ai mentionnées dans le blogue précédent, au sujet de Pierre Desautels. Il aurait hérité du nom Lapointe parce qu’il vivait à Longue-Pointe (Pointe-aux-Trembles) ou parce qu’il avait un bon sens de l’humour et aimait lancer des pointes.
Pour raconter l’histoire de la famille Desautels dit Lapointe en Saskatchewan, personne n’en a fait autant que sœur Lucienne Desautels. À l’instar de ses ancêtres, elle a vécu avec détermination et passion.
Lucienne Desautels est née en 1914 à Ponteix. Elle est la fille de Dosia Landry et Horace Desautels, lui-même fils d’Avila Desautels. Ce dernier, né au Manitoba où il se marie en 1891 avec Amanda Paiement, s’installe à Willow Bunch en 1908, comme bien d’autres Canadiens français alors que le village commence à prendre forme (voir ci-dessous). En 1923 , Avila et Amanda déménagent à Yakima, dans l’État de Washington où ils finissent leurs jours.
Lucienne Desautels se distingue à l’école comme élève modèle au couvent de Gravelbourg avant d’entrer en religion à 20 ans pour devenir sœur Marie-Horace de la communauté de Jésus Marie. Lucienne aspire à enseigner, ce qu’elle fera pendant plus de quatre décennies dans les écoles de sa province natale sauf pour une période de sept ans au Nouveau-Brunswick. À la retraite, Sœur Lucienne consacre son temps libre à la généalogie pour raconter l’histoire de sa famille dans un livre intitulé A History of the Ancestors of Avila Desautels and of his Descendants, malheureusement introuvable en librairie. Sœur Lucienne est décédée en 2019 quelques semaines avant son 105e anniversaire de naissance. Jacques Desautels, dans son livre sur l’histoire de sa famille (Les Desautels, De la Sarthe aux rives du Saint-Laurent), écrit ceci à propos de sœur Lucienne : « Elle demeure à ce jour, une référence incontournable pour quiconque s’intéresse à l’histoire des Desautels. »
Deux frères Lapointe, Joseph et Prudent, originaires d’une des lignées de Desautels dit Lapointe venues du Québec, ont marqué les débuts d’un village du sud-ouest de la Saskatchewan : Willow Bunch. Joseph Lapointe (1866-?) fait partie des premiers Canadiens français avec Gaspard Beaupré (père du géant Beaupré – voir plus bas) et Jean-Louis Légaré à s’établir, en 1878, à la Talle des Saules appelée aussi la Hart-Rouge, et plus tard, Willow Bunch. Son frère Prudent (1864-1929) le rejoint en 1883. Les Métis chasseurs de bisons les ont précédés dans cette région, en suivant des troupeaux en saison de chasse. L’histoire de Willow Bunch est racontée dans le site du Musée virtuel de la Saskatchewan. Des historiens Métis la racontent aussi dans un livre intitulé The History of the Metis of Willow Bunch. Cet ouvrage est disponible en anglais seulement, mais très bien documenté sur le rôle primordial qu’ont joué les Métis dans la fondation de Willow Bunch.
Considéré par de nombreux historiens comme le fondateur de la Talle des saules, Jean-Louis Légaré (1841-1918) est un homme d’affaires prospère doublé d’un diplomate de talent, reconnu entre autres pour avoir aidé Sitting Bull alors qu’il se réfugie en Saskatchewan pendant cinq ans. Légaré a aussi donné de l’emploi aux pionniers canadiens-français comme Gaspard Beaupré et Prudent Lapointe. Ce dernier, véritable aventurier des plaines, a connu une vie mouvementée, mais aussi très engagée pour sa communauté d’adoption, comme on peut le lire dans cette page qui lui est consacrée.
Édouard Beaupré est le premier enfant né à la Talle des saules en 1881. Il est le fils de Gaspard Beaupré, originaire de L’Assomption au Québec et de Florestine Piché, dont la famille Métisse vient de Saint-François-Xavier au Manitoba, son lieu de naissance. La famille de Florestine aurait fui le Manitoba pendant la Résistance de 1870 pour s’installer à la Talle des Saules en Saskatchewan. Et c’est là qu’elle épouse Gaspard en 1880.
Leur fils Édouard se distingue dès l’enfance par sa grande taille. À 12 ans, il mesure déjà plus de deux mètres! Édouard souffre de gigantisme et, avec sa grande taille et sa force exceptionnelle, il ne peut gagner sa vie qu’en devenant une attraction de cirque. Sa courte vie, il meurt à 23 ans, est parsemée de déboires et de mésaventures. Même après sa mort, son corps est exhibé au public pour en tirer profit avant d’être finalement placé et préservé à l’Université de Montréal. Ce n’est qu’en 1990 que sa famille récupère sa dépouille pour lui donner une digne inhumation dans sa terre natale.
Le patronyme Desautels (ou Disotel) est très présent dans la réserve confédérée autochtone de Colville, Washington, dont le directeur se nomme… Cody Desautel! Un grand nombre des Desautels de cette réserve sont des descendants de Joseph Desautels qui, à 18 ans, a quitté son Québec natal pour être à l’emploi de la Compagnie de la Baie d’Hudson dans l’Ouest du continent. Selon le livre d’histoire du nord de l’État de Washington publié en 1904, Joseph DeGasper Desautels est considéré comme l’un des pionniers de l’État. En 1851, il se marie à Julie LaFleur, fille autochtone de la région. En 1899, Joseph DeGasper se procure une terre dans le comté de Ferry, près de la frontière canado-américaine où il sera fermier et éleveur de bétail toute sa vie. Même la toponymie de l’État de Washington rappelle l’importance de ce patronyme pour la région puisqu’un col de montagne se nomme Disautel.
🔸 L’excellent Musée virtuel francophone de la Saskatchewan est une ressource incontournable pour apprendre l’histoire de cette province. Vous y trouverez, entre autres, une centaine de biographies et des chroniques historiques.
🔸 Les Battleford, site de l’ancienne capitale : document pédagogique en ligne qui aborde l’histoire de Willow Bunch et des Métis de la région.
Si vous visitez la Saskatchewan pendant l’été, un arrêt au Musée de Willow Bunch s’impose. Sa collection d’artefacts et de photos est impressionnante. Vous pouvez aussi obtenir une visite guidée en français (à réserver à l’avance).