Ma découverte des cimetières japonais a été influencée par mon vécu au Canada. Par exemple, ma grand-mère Liboiron vivait tout près du cimetière de Ponteix, en Saskatchewan, et pendant ma jeunesse, mes cousins et moi allions jouer là. Quand je passais en auto devant le cimetière de Gravelbourg avec ma grand-mère Hamon, elle récitait une prière. Pour aller à sa ferme, il fallait passer tout près du cimetière. Donc, les cimetières font partie de ma vie depuis toujours et cela m’a donné le goût d’en visiter au Japon.
Par contre, les Japonais m’ont laissé savoir de façon subtile et indirecte, pour ne pas m’offusquer, que cela ne se fait pas au Japon. Les gens n’ont pas l’habitude de visiter un cimetière à moins de connaître quelqu’un qui y repose. Néanmoins, j’ai poursuivi mes visites et voici ce que j’ai trouvé.
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1. Souvent, les cimetières au Japon sont situés dans la cour d’un temple bouddhiste comme celui-ci. Le temple Choju se trouve à Yamaguchi, une ville à environ une heure à l’ouest d’Hiroshima. En entrant, l’atmosphère des cimetières est tranquille et calme, comme au Canada.
2. Cependant, nous remarquons que les cimetières japonais sont plus renfermés et que les tombes se touchent pratiquement. Il y a ici un contraste avec les cimetières dans l’Ouest Canadien. Ces derniers se caractérisent par leur ciel ouvert et la plus grande distance entre les fosses. Le Japon est un petit pays où les gens vivent, et ensuite reposent entassés. En termes de superficie, le Japon et Terre-Neuve ont à peu près la même grandeur, mais Terre-Neuve ne compte qu’environ 500 000 habitants alors que le Japon en compte 125 000 000.
3. Ces pierres tombales entassées se trouvent dans le fond d’une cimetière et elles indiquent que le défunt n’a plus de descendants ou que ces derniers vivent au loin et ne viennent plus lui rendre honneur. Donc, les pierres sont déplacées pour sauver de la place. La culture japonaise demande que l’on aille au moins une fois par année au cimetière où sa parenté et ses ancêtres sont inhumés. Le plus souvent, ce pèlerinage de respect et de reconnaissance des défunts a lieu durant Obon, une fête de trois jours au mois d’août. Les descendants lavent les pierres tombales et laissent des offrandes de nourriture ou de saké, une boisson alcoolisée fait de riz. Durant Obon, l’esprit des défunts se rend dans la maison familiale, du moins selon la croyance traditionnelle. Mais celle-ci s’efface dans le monde moderne.
4. En plus de rendre honneur à ses ancêtres, un cimetière ou le temple avoisinant sert aussi à transmettre sa religion ou ses croyances spirituelles à ses enfants. Nous voyons ici une mère qui allume une chandelle avec ses enfants.
5. L’encens figure dans les rites bouddhistes tout comme dans les rites chrétiens.
6. Cette statue bouddhiste semble maintenir son esprit zen de patience alors que la mousse et la vigne l’empiètent d’année en année.
7. Les pierres noires se trouvent moins souvent. Traduits en français, les caractères stylisés représentent les liens de famille, mais peuvent aussi se traduire comme des liens solides. En arrière-plan, les tombes sont du style le plus commun de nos jours.
8. Le gros caractère à gauche représente le mot paix. En bas à droite, nous y voyons trois caractères. Les deux premiers forment le nom de famille Ohtani et le dernier signifie la lignée d’une famille.
9. En plus de sa couleur noire, ce qui se remarque ici est la date, chose assez rare au Japon. Les deux caractères à droite indigne qu’il s’agit ici de la date de construction de la fosse. Donc, au mois d’avril, ou la 4e lune selon l’épellation japonaise, en l’année 2018.
10. Parfois, les membres de famille ou les amis laissent une bière ou un Coke. Remarquez la coche à la droite du Coke, elle y est pour soulever la pierre. Au Japon, il n’y a pas d’enterrement du corps. À la place, les morts sont incinérés et les cendres vont à l’intérieur de la pierre tombale ou en-dessous, dépendant du style. Un de mes élèves, un monsieur de 86 ans nommé Kozo, est le plus vieux garçon chez lui donc il est responsable de la pierre tombale de sa famille. Kozo a acheté une belle nouvelle tombe et devait donc déménager le contenu de l’ancienne tombe. En tout, il y avait 10 pots en céramique remplis de cendres et d’os. Plusieurs générations partagent la même tombe. Ses parents s’y trouvaient, mais il ne savait pas qui étaient tous les autres.
11. Selon la croyance traditionnelle, ces grimaces en ardoise servent à effrayer les fantômes. Le plus souvent, nous les retrouvons sur les toits de temples. Quelqu’un leur a donné une orange comme offrande.
12. Le contraste entre deux ères se ressent partout au pays. Dans cette photo, nous voyons la dissimilitude entre le Vieux Japon et le Nouveau Japon. Les pierres gravées à la main représentent le vieux pays, mais le fait qu’elles soient illuminées par les lumières fluorescentes d’un bloc appartement représente le nouveau pays. Quand il a été construit, ce cimetière était probablement entouré de fermes et de rizières, mais la modernisation rapide du Japon a bouleversé le paysage.
13. Nous ne voyons pas souvent des gens dans les cimetières là-bas, mais on dirait qu’il y a toujours un vieux chat ou un corbeau autour.
14. Les planches en bois, appelées sotoba en japonais, sont dotées du nom du défunt et d’un verset bouddhiste. La nouvelle sotoba indique une mort récente. Notons aussi le style moderne des pierres en granite poli et, à droite, l’ancien style plus petit et rugueux.
15. Bien que la plupart des cimetières soient entassés, certains sont un peu plus grands et possèdent des jardins japonais propices à la contemplation.
16. Le panneau indique que les gens peuvent jeter ici les vieilles fleurs fanées qui décoraient les fosses. L’enclos est un cimetière de fleurs.
Je vous invite à partager vos photos avec nous. Prière de les envoyer à dliboiron4@hotmail.com et d’y inclure une courte description.