« En février et en tout temps, célébrons l’histoire des communautés noires aujourd’hui et tous les jours », ce thème de l’édition 2022 est évocateur dans la mesure où il invite à aller au-delà du factuel, au-delà du mois de février. Ce thème pourrait vouloir dire de continuer à garder cette attention sur la condition des noirs et des barrières auxquelles ils font face.
Depuis plus de 400 ans, avec l’arrivée de Mathieu Da Costa, les noirs sont présents au Canada. Cependant diverses problématiques, notamment l’épineuse question du racisme systémique, qu’il soit apparent ou sournois, empêchent les personnes noires d’atteindre leur plein potentiel dans divers secteurs de la société canadienne. Comme beaucoup le pensent dans la communauté, il y a du bon à parler de la contribution des noirs, sauf que cela donne lieu à la question suivante : devrions nous considérer le noir par rapport à ce qu’il apporte ou par rapport à ce qu’il représente, notamment une entité à part entière du Canada? En 2020, environ 63 % des membres de la population noire au Canada ont déclaré avoir été victimes de discrimination au cours des cinq ans précédant le début de la pandémie ou pendant celle-ci, relève Statistique Canada.
Dans le quotidien des noirs, les actes de discrimination touchent les domaines de l’éducation, de l’emploi et bien d’autres. Récemment, un média a rapporté que l’Université du Manitoba s’est officiellement engagée à lutter contre le racisme anti-Noirs. Il faudrait alors saluer un pas en avant pour les étudiants noirs. Car, alors qu’ils terminent souvent leur cycle d’étude avec des notes parfaites, ils sont très souvent recalés lors de leurs stages de fin d’études, notamment dans les domaines de l’éducation et des sciences infirmières, comme me l’ont rapporté certains d’entre eux. On se demande alors comment bien apprécier les contributions des Canadiens noirs si des obstacles sont dressés dans le système pour freiner leur évolution? Il est commun d’entendre dire au sein de la communauté que la présence des noirs dans une organisation ou une compagnie est bien souvent liée à la volonté de respecter les quotas de représentativité et d’inclusion des minorités. Pourtant, selon Statistique Canada, près de 7 adultes noirs sur 10 détenaient un diplôme d’études postsecondaires en 2016. Ce qui revient à dire qu’ils ont la formation et les compétences pour travailler à tous les niveaux. La réalité est qu’aujourd’hui les Canadiens noirs sont frappés par un taux de chômage de 16,4 % selon un rapport de Statistique Canada.
Voir les choses sous l’angle de la représentativité est peut-être le véritable problème. Parce que lorsque les chiffres sont atteints, on n’a plus tendance à aller plus loin. C’est ce que déplore d’ailleurs Valécia Pepin qui évolue dans le milieu des arts et des médias. « Il s’agit de bien plus que cela », fait-elle comprendre.
Du côté de la jeunesse canadienne noire, la perception des choses est bien différente. Ann-Esther, d’ascendance noire et arrivée au Canada à l’âge de 8 ans, soutient qu’il y a dans sa génération, un sentiment grandissant d’appartenance à la culture noire. Elle affirme ne pas craindre d’aspirer aux mêmes droits que ceux des autres communautés canadiennes. Selam Beyene, d’ascendance africaine et venue au Canada il y a une dizaine d’années pour ses études, met l’accent sur une prise en main des choses par les noirs eux-mêmes.
Cette perspective, plusieurs de l’élite noire l’ont heureusement comprise et s’y vouent à fond. Selam coordonne donc un projet dénommé Anti-racism toolkit (boite à outils anti-racisme) qui vise à recueillir les données sur la discrimination faite aux femmes noires. L’objectif étant de collecter des données qui serviront à mieux comprendre les freins qui minent l’intégration professionnelle et sociale des femmes noires et d’influencer des politiques et des pratiques positives vis-à-vis d’elles. En 2016, en effet, une étude de Statistique Canada révélait qu’une femme noire était deux fois plus victime d’injustice ou de discrimination au travail que les autres. Ces derniers temps, les attaques sur les femmes noires musulmanes se sont multipliées à Edmonton et à Calgary.
Les noirs ne sont pas différents des autres. ils apportent et ont toujours apporté leur contribution à la société. Il faudrait d’ailleurs mentionner que c’est toute la société qui perd en laissant pour compte une partie de sa population qui est jeune, vibrante et dynamique. Le décès de George Floyd, et les protestations des jeunes (peu importe leurs communautés) partout dans le monde et ici dans l’ouest canadien, ont certainement apporté quelques avancées. Les gouvernements (fédéral et provinciaux) font désormais des efforts pour l’intégration des communautés noires, par exemple dans le domaine de l’entreprenariat. Cependant, nous sommes au 21è siècle et il est impératif que les politiques d’intégration des noirs cessent d’être réactives et qu’elles deviennent plutôt proactives de façon à ce que le Canada vive vraiment ses valeurs de diversité et d’inclusion.