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WebOuest Application de rencontres: un champ de mines pour les femmes
Photo: Yankrukov, Pexel
Les Montagnes

Application de rencontres: un champ de mines pour les femmes

Par Nathalie Lopez | 1 juin 2024
Ça fait des années maintenant que les applications de rencontres font partie du paysage des rencontres modernes, mais ce n’est que dans les trois ou quatre dernières années (sans doute vraiment que depuis la fin de la pandémie) qu’on commence à se poser des questions sur le bien fait de ses applications sur la santé mentale des utilisateurs et utilisatrices. On parle de plus en plus souvent de burn-out, de fatigue et du stress associé à l'utilisation de ces applications et de leurs effets nocifs sur la santé mentale.

Certes, les célibataires en général commencent à se lasser des applications de rencontres et de la désillusion que celles-ci génèrent. Par contre, le phénomène est plus répandu pour les femmes, qui en plus d’être désenchantées de manière générale par ces applis font face à des effets négatifs spécifiquement dûs au fait d’être femme, tel que recevoir des images explicites non-sollicitées, subir du harcèlement sexuel, se faire traquer ou encore être victime de mal traitance psychologique et émotionnelle. Au fait, « près de 75 % de femmes seraient victimes de harcèlement » et plus d’une femme sur dix déclare avoir reçu des menaces de violence physique.

Les femmes reçoivent aussi en plus grand nombre des commentaires désobligeants sur leur apparence physique et ont plus de chances de tomber dans des relations toxiques, ce qui génère un effet très négatif sur la santé mentale, générant des doutes de leur valeur et ayant un effet parfois dévastateur sur l’estime de soi. 

Souvent les applications de rencontres ont tendance à renforcer des valeurs patriarcales. C’est notamment le cas avec Tinder, une des applications de rencontres les plus utilisées. Sur Tinder « un homme éduqué, qui gagne bien sa vie et a un certain âge reçoit des points bonis. À l’inverse, une femme dans la même situation reçoit des points de moins! L’algorithme permettra donc à des hommes âgés de se voir présenter des profils de femmes plus jeunes, moins éduquées, moins aisées mais pas l’inverse! »

Plus problématique encore est cette promesse suggérée qu’une rencontre garantit à l’homme un rapport sexuel durant la rencontre. Les applis sont majoritairement axées sur la consommation de l’autre et donnent l’impression de feuilleter un catalogue dans lequel le produit est la femme. En objectifiant les femmes, les applis perpétuent la culture du viol. Ce phénomène ne pourrait pas être mieux illustré que « dans l’augmentation surprenante des agressions sexuelles perpétrées par des utilisateurs masculins d’applications de rencontres qui sont moins susceptibles d’avoir des antécédents de violence sexuelle ».

D’autre part, des applications s’affichant comme féministe tel que Bumble ont pour effet de mettre les femmes plus en confiance, mais celles-ci rencontrent les mêmes hommes qu’elles rencontreraient sur n’importe quelle autre appli et d’ailleurs plusieurs femmes subissent des situations de harcèlement et de violence sexuelle sans pour autant avoir accès à des canaux de dénonciation qui s’attaquent réellement au problème. 

La mentalité derrière Bumble a aussi fait surface lors de leur dernière campagne de publicité américaine cherchant à attirer les femmes qui abandonnent en grand nombre l’application. Face à ce constat, l’entreprise a opté pour une publicité qu’elle considérait sûrement comique mais qui fut très mal reçue de la part des femmes à cause de son caractère sexiste. L’idée centrale étant d’appeler les utilisatrices à ne pas abandonner l’application en leur évoquant pourquoi elle ne devrait pas abandonner…  « l’abstinence n’est pas la solution » et tu ne peux pas  « abandonner le dating pour devenir une religieuse ». Bien-sûr les internautes ont vite réagi, accusant Bumble d’envoyer un message fort condescendant et culpabilisant aux femmes qui quittent les applications de rencontres pour préserver leur santé mentale.

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Photo: Shvets Production, Pexel

Bumble a donc fait marche arrière et s’est excusé de son faux pas mais toujours est-il que toutes les entreprises de sites de rencontres font face au même problème: elles sont toutes en perte de vitesse et font face à de grandes difficultés pour maintenir l’engagement des femmes.

Face à ce défi de taille, les applications commencent enfin à être davantage à l’écoute des utilisatrices et mettent l’accent sur la santé mentale et le bien-être. Désormais il y a un effort avec des fonctionnalités qui par exemple fait une vérification auprès des utilisateurs et utilise une modération IA pour empêcher les contenus indésirables, afin d’essayer de créer des espaces sécuritaires sans crainte de harcèlement ou d’abus. Les applications bannissent aussi les commentaires malveillants lorsque ceux-ci concernent le corps et l’apparence. Ceci dans le but de lutter contre la grossophobie, le validisme ou la transphobie.

Malgré ces changements d’attitude de la part des compagnies et leur volonté de mettre en place des outils pour assurer la sécurité des utilisatrices, il reste beaucoup de chemin à faire. Il est fort possible que ces initiatives arrivent trop tard pour de nombreuses femmes qui auront mis une barre définitive sur les applications de rencontres. De plus, il devient de plus en plus courant que les femmes affichent ouvertement leur décision de se tourner vers le célibat tout court, brisant les stéréotypes de la vieille fille de jadis, célébrant un choix de vie riche et enviable. 

 

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