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WebOuest Agressions sexuelles chez les jeunes: pourquoi on en parle pas plus?
Capture d'écran du documentaire « Pourquoi? La violence sexuelle chez les jeunes » de Danielle Sturke. Crédit photo: Jean-Christophe Yacono
Les Montagnes

Agressions sexuelles chez les jeunes: pourquoi on en parle pas plus?

Par Nathalie Lopez | 17 mai 2023

Le mois de mai est désigné comme le Mois de la prévention et de la sensibilisation aux agressions sexuelles. Pour ce premier blogue du mois, j’ai donc décidé de m’entretenir avec la réalisatrice et amie de longue date Danielle Sturk pour parler de son dernier documentaire produit par l’ONF, intitulé Pourquoi? La violence sexuelle chez les jeunes.

Avec ce documentaire, la réalisatrice franco-manitobaine nous invite à nous poser de sérieuses questions en tant que société au sujet de la violence sexuelle chez les adolescents. C’est aussi une invitation, ou plutôt un signal d’alarme afin d’inciter la société à avoir des vraies conversations, aussi difficiles qu’elles puissent être, pour questionner des comportements qui jusqu’ici étaient considérés acceptables et qui inévitablement façonnent notre façon de comprendre le monde, en banalisent la violence sexuelle envers les femmes. 

J’ai d’abord demandé à Danielle ce qui a inspiré la genèse du projet. Danielle m’a expliqué que pour elle ce problème de taille est souvent une réalité qui touche plusieurs générations et que même si on en parle parfois entre femmes, souvent on les définit pas comme une agression sexuelle. Comme la majorité des femmes, Danielle sait très bien que cette triste réalité fait partie péniblement de la vie de toutes les femmes. Elle savait aussi que c’était le cas aussi pour plusieurs femmes dans sa famille depuis des générations, mais c’est vraiment en tant que mère de quatre filles qu’elle a voulu aborder cette problématique et qu’elle choisi d’en parler ouvertement, tout en la nommant comme telle! 

« Avec mes quatre filles, et le rôle des médias sociaux dans leurs vies, j’étais étonnée, enragée et attristée d’entendre aussi souvent que quatre fois par semaine des histoires ou elle étaient témoins ou victimes de ce genre d’abus, que ça soit des attouchements, des commentaires de nature sexuelle ou des photos prises sans consentement. »

De plus, ce qui enrageait la réalisatrice, c’est le fait de constater que la société demandait aux filles de s’ajuster pour ne pas se faire agresser!

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La réalisatrice Danielle Sturk. Crédit photo: Marta Guerrero du journal La Liberté

« De là est né le besoin de vouloir ouvrir le dialogue, en premier dans ma communauté, mais aussi de façon générale, plus spécifiquement chez les jeunes, car les statistiques démontrent que ce phénomène est beaucoup plus répandu chez les 18 ans et moins (70 % des agressions sexuelles), plus spécifiquement chez les jeunes de 14 à 18 ans! Mais on n’en parle pas, on ne fait rien… ça prend un changement systémique! »

Une des particularités du film de Danielle est qu’il inclut tant le point de vue de jeunes femmes que celui des jeunes hommes dans cette conversation. J’ai demandé à Danielle, l’importance de ce choix, qui pour moi me paraît fondamental, et ce ne fut aucune surprise quand elle m’expliqua qu’on ne peut plus nier que ce problème d’envergure est en fait un problème masculin.  « Quand on sait que 89 % des victimes d’agressions sexuelles sont du genre féminin et que 98 % des agresseurs sexuels sont masculins, c’est un problème d’hommes! Et donc pour avancer dans cette conversation il faut de toute évidence inviter les hommes à entrer dans l’arène et à proposer des solutions. » 

Le film est donc composé en grande partie de témoignages très poignants de jeunes femmes et de jeunes hommes, d’abord sur la violence sexuelle, et ensuite une réflexion sur ce qui donnent des ailes à ces comportements malsains qui font du tort presqu’autant aux hommes qu’aux jeunes femmes. 

Le documentaire vise donc aussi à faire prendre conscience de ces automatismes nés de la masculinité toxique, sujet qu’on commence enfin à aborder comme société.  

Il va de soi que ce n’est pas un film facile à regarder, mais il va aussi de soi que c’est un film tout à fait nécessaire pour notre société! C’est surtout un film que tous les jeunes hommes et les pères de famille devraient regarder, si possible ensemble, pour que ça serve d’instigateur de conversations et de changement. Car comme le dit si bien Danielle, il faut un mouvement! Et elle demeure optimiste, car elle espère que, tout comme il y a eu des mouvements pour sensibiliser la société aux effets nocifs de la cigarette ou encore la sensibilisation des dangers de l’alcool au volant, la société entreprendra le changement dû pour s’attaquer à ce problème de taille! Elle propose par exemple que son documentaire serve de précurseur à un mouvement qui pourrait s’appeler « Pères contre les agressions sexuelles », faisant référence au mouvement MADD – Moms against drunk driving (Mamans contre l’alcool au volant).

Une des parties les plus fortes du documentaire, selon moi, c’est quand les jeunes hommes invités à participer au documentaire lisent des statistiques reliées au phénomène des violences sexuelles. Particulièrement difficile pour moi, ce fut d’entendre que c’est en 9e année qu’il y a le plus d’adolescentes victimes pour la première fois d’agressions sexuelles à l’école. En tant que maman d’une jeune femme de 18 ans et d’un jeune garçon de 10 ans, je ne peux pas expliquer à quel point ceci m’a troublée.

Comme le dit Danielle dans l’entrevue, on ne peut plus tourner la tête et faire abstraction du fait que les victimes des ces agressions sont des enfants. Comment peut-on donc justifier que ce problème continue à exister? Que font les adultes de la société quand ceci « est une question de sécurité pour nos enfants, et que c’est notre responsabilité en tant que société d’assurer la sécurité de nos enfants, de nos filles! ».

Mais malgré la pesanteur et la troublante réalité de ces statistiques, il faut croire qu’une autre société est possible, et c’est le souhait de Danielle avec ce film. Créer un mouvement local pour commencer, en ouvrant la conversation dans les cercles d’amis, dans les écoles, et de là travailler vers des changements plus systémiques. Tel que commencer à intégrer dans le curriculum de toutes les écoles une éducation sexuelle qui parle de consentement, par exemple,  ou de mettre en place des véhicules de dénonciation qui ne causent pas davantage de stress sur les victimes d’agressions sexuelles, comme c’est le cas en ce moment.  

Incontestablement, il reste du chemin à faire mais le film de Danielle est certes un très bon point de départ vers ce changement que notre société doit adopter. Le documentaire est disponible sur le site de l’Office national du film du Canada.

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