« Après 40 ans, je continue à être ébahi par l’ampleur de la mobilité géographique des francophones, alors que nous sommes souvent représentés comme un peuple sédentaire… Dans les provinces des Prairies, je constate presque chaque jour la diversité de nos origines francophones: Canadiens français venus du Québec ou des États-Unis, Métis descendants de plusieurs nations autochtones, Français, Belges, Suisses, Antillais et Africains. Dans les aires francophones d’Amérique du Nord, il n’y a que la Louisiane qui est aussi diversifiée que les Prairies canadiennes. »
Dans la famille Châteauneuf du Québec, certains audacieux ont quitté leur province natale et ils ont parcouru de grandes distances vers l’Ouest, soit pour découvrir du pays, soit pour se trouver un meilleur emploi. Voici l’histoire des parents de Lucienne Châteauneuf et des grands-parents de Lëa-Kim Châteauneuf, qui ont tenté leur chance au Québec et au Manitoba, parfois avec désenchantement, mais surtout portés par l’amour familial. Lëa-Kim et Lucienne ne se connaissent pas et pourtant, elles ont en commun un même ancêtre, Jean Desranlot dit Châteauneuf** et une province qui a changé le cours de leur vie, bien loin de leur Québec natal: le Manitoba.
En 1969, Roger Châteauneuf (1932-2009) est conducteur de bennes dans les mines au Québec quand il reçoit une offre d’emploi à Lynn Lake au Manitoba. En compagnie de son épouse Rollande Angrignon et de leurs dix enfants, dont Lucienne, Roger s’installe au Manitoba.
Lucienne garde de beaux souvenirs de sa vie dans le nord du Manitoba. « Mon père était défricheur lorsque nous allions en camping. Par exemple, on s’arrêtait au bord de la route entre Lynn Lake et Fox Mine où il savait qu’il y avait un lac derrière les bois. Petit à petit, il a défriché un sentier avec sa hache pour qu’on puisse se rendre au bord du lac où il nous a installé un beau site de camping. Lors de ces aventures, ma mère préparait la popote. Je me souviens des bines (fèves au lard) cuites sur le feu dans une marmite installée dans un trou creusé dans la terre! »
Entre 1978 et 1993, Lucienne a déménagé à maintes reprises pour suivre son époux d’alors à Stewart en Colombie-Britannique, à Vancouver, à Montréal, à Shawinigan et à Winnipeg, avant de retourner en Colombie-Britannique pendant 5 ans. En 1993, Lucienne s’établit à Winnipeg avec sa famille où elle vit depuis 20 ans, tout comme son frère et cinq de ses sœurs. Tout au long de son parcours vivant d’une communauté anglophone à une autre, Lucienne Châteauneuf a mis un point d’honneur à vivre en français. Aujourd’hui, elle est la directrice de la Fédération des aînés de la francophonie manitobaine.
Lëa-Kim Châteauneuf vit à Montréal et sa famille est originaire de la région de Drummondville. Si Lëa-Kim n’a encore jamais visité le Manitoba, elle y a tissé de liens forts avec des membres de la famille de sa grand-mère, Carmelle Lanthier, née à Saint-Boniface en 1922. De son côté, le Québécois Yves Châteauneuf, venu au Manitoba pour y trouver du travail, a rencontré Carmelle alors qu’il était employé au fameux hôtel Tourist, au coin des rues Taché et Provencher. Carmelle et Yves se sont mariés à la cathédrale de Saint-Boniface en 1947, et la même année, le couple est parti vers le Québec pour élever sa famille.
Lëa-Kim a eu la chance de discuter longuement avec sa grand-mère avant son décès en 2008. Elle lui a raconté sa vie, ses passions et son attachement pour le Manitoba. Je vous invite à lire la très belle histoire de cette famille, racontée par Lëa-Kim qui a aussi hérité d’une collection de photos d’époque, si précieuse pour illustrer la société franco-manitobaine des années 1940. Lëa-Kim espère honorer l’an prochain une promesse faite à sa grand-mère, celle de visiter Saint-Boniface, là où Carmelle est née et a vécu sa jeunesse.
*La Chaire de recherche du Canada de niveau 1 sur les migrations, les circulations et les communautés francophones travaille avec des partenaires comme la Société historique de Saint-Boniface et la Fédération québécoise des sociétés de généalogie. Yves Frenette : « Avec cette dernière, nous avons créé un Dictionnaire des patronymes qui permet aux généalogistes d’y voir un peu plus clair dans toutes les altérations et anglicisations des patronymes francophones. » Il s’agit d’un projet auquel vous pouvez participer pour enrichir cet outil. Je vous invite aussi à relire mon article sur les patronymes transformés.
**Jean Desranlot dit Châteauneuf (1669-1739) est arrivé du Poitou en 1694. Il s’installe à Batiscan sur les rives du fleuve Saint-Laurent avec sa nouvelle épouse, Madeleine Trottier, en 1698.
Les informations de ce blogue sont tirées du livre relatant la généalogie des Châteauneuf, œuvre de Sœur Marguerite Châteauneuf et de Lucienne Châteauneuf. Cette dernière m’a fourni des livres et des photos qui ont été très utiles à la préparation de ce blogue et je l’en remercie. Un grand merci aussi à Lëa-Kim Châteauneuf pour avoir partagé l’histoire de sa famille et des photos inédites tirées des albums de sa grand-mère Carmelle Lanthier.