L’importance de l’écoute et la communication dans nos relations interpersonnelles est bien connue. Cependant, ajouter le bout de phrase « sans porter de jugement », c’est autre chose. Cela nous amène dans une autre dimension.
Sans porter de jugement, ce n’est pas toujours facile. Parce que nous, les êtres humains, nous avons tendance à faire des suppositions sur ce que les autres disent ou font. Ces suppositions ressortent de notre vécu et de nos attentes envers les autres. Ceci est tout à fait compréhensible. L’application « sans porter de jugement » est quelque chose qui se fait donc consciemment. Et plus nous en prenons conscience et plus nous le pratiquons, plus cela se fait naturellement.
Laissez-moi vous illustrer comment le fil conducteur « sans porter de jugement » se retrouve dans ces deux domaines bien différents.
Après plusieurs mois de restrictions et de distanciation physique, Albertine est avec son amie de longue date, Roxanne, en train de prendre un café dans un beau resto. Roxanne confie à Albertine que depuis qu’elle fait du télétravail, elle est super fatiguée, toujours sans énergie. Ça ne lui tente même plus de jouer avec ses enfants! Elle préfère visionner les vidéos sur sa tablette le soir et s’endort très tard. Elle exprime à Albertine qu’elle se sent coupable et déprimée, cependant, elle ne sait pas par où commencer pour changer.
Heureusement, Albertine a suivi le cours des premiers soins en santé mentale. Une des six actions enseignées dans ce cours de premiers soins est clairement décrit : écouter et communiquer sans porter de jugement. Albertine se sent à l’aise d’être à l’écoute de Roxanne, pour lui apporter un soutien, du mieux qu’elle le peut. Après avoir apprécié la situation et déterminé que Roxanne n’est pas à risque de se blesser, elle lui pose des questions ouvertes. Ceci encourage Roxanne à en dire plus.
Et là vient l’art de l’écoute avec compassion, sans porter de jugement, en essayant de se mettre à la place de l’autre. Albertine fait son possible pour rester dans le moment présent avec Roxanne. Elle ne lui donne pas de conseils – ce qui incite Roxanne à découvrir ses propres réponses elle-même.
Le résultat : Roxanne se sent écoutée et encouragée à trouver des moyens pour améliorer son niveau d’énergie. Le lien d’amitié entre les deux amies est fortifié.
Donc, on peut imaginer ce même scénario avec un autre résultat si Albertine avait, tout de suite, bousculé Roxanne en lui disant : « Ben voyons ma chère, t’a rien à te plaindre. Ressaisis-toi! Tu n’as qu’à gérer ton horaire quand même! »
Oh là là! Roxanne se serait fermée, pleine d’émotions négatives, variant entre la honte, la culpabilité, la déception et probablement même de la colère. On peut déduire qu’un tel échange aurait été malsain pour leur relation, et encore pire, dévastateur pour Roxanne.
Le personnel enseignant d’une école est en réunion avec sa direction. L’ordre du jour est chargé, les nouvelles consignes pour les restrictions sanitaires sont au premier plan. Heureusement, il y a quelques semaines, l’équipe a suivi un webinaire introductif sur la sociocratie.
Fabien, enseignant, facilite la réunion et dirige le tour d’ouverture avec la question « Qu’est-ce qui nous habite? » Une belle façon de commencer la réunion. Plus nous montrons notre côté humain, plus il est facile de faire preuve d’empathie, de se soutenir mutuellement et d’être des alliés les uns pour les autres.
Le premier point à l’ordre du jour est une proposition pour l’adoption de politique pour les cours en ligne en temps de pandémie. Fabien entame le processus de prise de décision sociocratique en faisant trois tours de table : clarification, réaction et objection. Le tour de consentement/d’objection est toujours intéressant, car les objections sont accueillies et utilisées pour améliorer la décision.
Chaque personne s’exprime au cours de chaque tour, une après l’autre. Personne n’est exclu, aucune voix n’est ignorée. Durant les tours, il n’y a pas d’interruptions. Chaque personne est écoutée sans porter de jugement. La hiérarchie conventionnelle est mise de côté pour inclure chaque personne à part entière. La sécurité psychologique de l’équipe est palpable.
On pourrait dire que la pièce de résistance pour les meilleures prises de décision en groupe est la communication et l’écoute « sans porter de jugement ». Ceci est valorisé dans une équipe en assurant l’inclusion de chaque voix de chaque membre avec bienveillance.
On peut imaginer un autre scénario où la direction impose une politique, sans prendre compte des idées ou des rétroactions de l’équipe. L’application du pouvoir coercitif effritera le bien-être du personnel et son engagement.
Je trouve fascinant lorsqu’une des actions pour les premiers soins en santé mentale « Écouter et communiquer sans porter de jugement » se retrouve dans la gouvernance organisationnelle. Tissé dans ces deux domaines, ce fil conducteur renforce le bien-être de l’individu ainsi que de l’organisation!