Jusqu’en 1681, on ne parle pas encore vraiment de Voyageurs, mais plutôt de Coureurs des bois – c’est le terme qui désigne des hommes qui participent à la traite des fourrures. Mais en 1681, les congés de traite apparaissent : pour pouvoir vendre des fourrures aux diverses Compagnies qui les exportent ensuite en Europe, il faut un permis. Le métier de Voyageur est né – le Voyageur possède le permis et transporte les marchandises, par opposition désormais au Coureur des bois, qui exerce sans permis.
Pendant tout le 18e siècle, l’activité des Voyageurs a lieu principalement dans l’Est du Canada. C’est en 1815 que la Compagnie de la Baie d’Hudson décide d’en engager pour la première fois dans l’Ouest, pour travailler à travers les Prairies, de Montréal à Winnipeg, puis jusque dans la région d’Athabasca en Alberta.
La vie d’un Voyageur était extrêmement difficile. Il n’y avait que des hommes, de préférence de petite taille et forts. Ils devaient être en mesure de pouvoir porter en autonomie deux balles (sacs) remplis de fourrures, pesant au total 80 kilogrammes (180 livres). Les conditions étaient difficiles, le climat rude et ils se déplaçaient avant les premières lueurs de l’aube jusqu’au crépuscule. Pour subsister, ils se nourrissaient de pemmican, une pâte extrêmement calorique faite à base de viande de bison et de graisse.
Les Voyageurs partaient donc de longs mois sur les routes, qu’elles soient fluviales ou terrestres. Ils se déplaçaient en canoë, et devaient réaliser des portages, c’est-à-dire porter le canöe (et les marchandises, les provisions, les munitions etc.) sur plusieurs kilomètres de terre ferme. Un canoë pesait environ 140 kilogrammes (310 livres).
Pour pouvoir porter ces masses extraordinaires, outre leur force, les Voyageurs utilisaient un outil très simple, devenu instrument de folklore aujourd’hui : la ceinture fléchée.
Il fallait à l’époque environ 100 jours de canöe et de portage pour effectuer le trajet de Montréal à Winnipeg. Il était impossible de réaliser l’aller-retour en une saison avant que les rivières et les lacs ne gèlent. Certains Voyageurs devenaient alors des hivernants, passant l’hiver au Fort Gibraltar à Winnipeg. Une équipe de relais se trouvait à Fort William, à Thunder Bay, pour continuer le trajet et la course contre la météo.
L’ère des Voyageurs a duré jusqu’à la fin du 18e siècle : le chemin de fer transcanadien, la fin de la traite des fourrures, la mode de la soie, le bateau York ont chacun une part de responsabilité dans sa disparition.
Les Voyageurs auraient pu entrer dans l’histoire pour toujours : en effet, lors de la création de la pièce d’un dollar en 1987, c’est le dessin de deux voyageurs et un canoë qui avait été retenu pour illustrer cette nouvelle pièce. Mais le seau en titane contenant le dessin original a été perdu dans le transport entre la Monnaie Royale d’Ottawa et celle de Winnipeg, où devaient être fabriquées les pièces. Pour éviter les risques de contrefaçon, le dessin a été remplacé par le huard qu’on connaît bien. Quel dommage pour l’héritage des Voyageurs!
Heureusement, ces derniers continuent de vivre en chansons. Je ne savais pas que certaines des comptines de mon enfance, « Alouette » et « À la claire fontaine » faisaient partie de leur répertoire. On les célèbre également à Winnipeg tous les ans en février lors du Festival du Voyageur, et à Edmonton lors du Festival du Canoë Volant!
Pour en savoir plus sur les Voyageurs, n’hésitez pas à consulter la série Destination Nor’Ouest, où l’on peut suivre l’aventure de neuf participants qui refont le voyage de Montréal à Winnipeg en canoë.