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WebOuest Les Charbonneau et le goût de l’aventure
Oeuvre représentant Lewis et Clark au centre de l’image, en compagnie de Sacagawea et de Toussaint Charbonneau se tenant à sa gauche. Source : Lewis and Clark at Three Forks, E.S. Paxson, huile sur Canvas, 1912, Montana Historical Society, Montana State Capitol Art Collection, X1912.07.01

Les Charbonneau et le goût de l’aventure

Le nom de famille, tout un héritage!
Par Martine Bordeleau | 8 avril 2023
Le nom de famille Charbonneau résonne dans tous les coins de l’Amérique du Nord depuis l’arrivée de l’ancêtre Olivier en 1659, recruté par nulle autre que Jeanne Mance, cofondatrice de Ville-Marie (Montréal).

Comme beaucoup de Français attirés par la Nouvelle-France, Olivier, sa femme et leur fille de 2 ans survivront à une traversée éprouvante de l’Atlantique, avec deux mois d’attente au port de La Rochelle et trois mois de traversée, de quoi nous consoler des retards aériens que nous vivons aujourd’hui! Ce voyage en mer est raconté en détail dans un article des Généalogistes associés. Olivier Charbonneau (1613-1687), sa femme Marie-Marguerite Garnier (1626-1701) et leur fille Anne deviennent ainsi l’une des premières familles non autochtones à habiter l’île de Montréal et plus tard, l’île Jésus (Laval), avant de s’installer pour de bon à Pointe-aux-Trembles.

Pour assurer le devoir de mémoire des Charbonneau, l’Association des Charbonneau d’Amérique a été très active pendant 15 ans, et ce,  jusqu’à sa dissolution en 2010, faute de relève. Cependant, dans la page Academic gérée par Wikipédia, on peut lire un résumé de l’histoire de cet ancêtre commun à près de 97 % de ses 35 000 descendants en Amérique.

À noter que la fille aînée d’Olivier et Marie, Anne Charbonneau (1657-1729) devient, avec son époux Guillaume Labelle, l’ancêtre de tous les Labelle d’Amérique.

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Ville-Marie (Montréal) et l’île Jésus, telles que cartographiées en 1764, dans le petit atlas maritime de Jacques Nicolas Bellin, cartographe (1703-1772). Source : Bibliothèque et Archives du Canada, classe du Library of Congress G1059 .B44 1764

Toussaint Charbonneau : héros ou vaurien?

Le coureur des bois Toussaint Charbonneau (1767-1843), originaire de Boucherville au Québec, est l’arrière-arrière-petit-fils d’Olivier Charbonneau. C’est un personnage énigmatique qui a vécu dans l’ombre de sa très populaire épouse Sacagawea (vers 1788-1812). Le couple a fait partie de la fameuse expédition Lewis & Clark qui, au début du 19e siècle, a ouvert la voie à l’expansion des États-Unis vers le Pacifique. L’histoire de l’ouest du continent nord-américain a été relatée grâce aux écrits laissés par des personnes lettrées, ce qui était le cas des explorateurs Lewis et Clark. En 1803, le président des États-Unis Thomas Jefferson décide d’envoyer une expédition à la découverte de cet immense territoire. Les deux hommes nommés pour diriger cette expédition, Meriwether Lewis et William Clark, ont notamment pour mission de cartographier le territoire, d’inventorier des espèces animales et végétales, et de tisser des liens avec les groupes autochtones qu’ils croiseront au cours de leur périple.

Comme un très grand nombre de «Canadiens» de l’époque de la traite des fourrures, Toussaint Charbonneau est un engagé libre ayant adopté le style de vie des Autochtones. Toussaint vit chez les Shoshones ou les Gens du serpent avec son épouse Sacagawea quand Lewis et Clark les rencontrent au Fort Mandan (aujourd’hui au Dakota du Nord) au début de l’expédition.  Engagés tous les deux comme interprètes, Toussaint sera aussi le cuisinier de l’équipe qui compte plus de trente personnes.

Mais qui donc était ce Toussaint Charbonneau, considéré comme un incapable par Lewis, mais pour qui Clark ne tarit pas d’éloges? Voilà une question que deux articles récents (lien ci-dessous en anglais) tentent d’analyser. Il est à noter que Charbonneau a lui-même créé sa propre réputation plutôt négative, entre autres en s’attirant des ennuis avant l’expédition.  Alors qu’il était de passage à la colonie de la Rivière-Rouge (Winnipeg), une femme Saulteux (Ojibway) l’aurait blessé gravement en le poignardant, défendant sa fille que Charbonneau a tenté de violer. Sa réputation de coureur de (jeunes) jupons l’a précédée toute sa vie, surtout qu’il a été le conjoint de deux femmes en même temps à l’époque de l’expédition de Lewis & Clark. De plus, les écrits de ces derniers mentionnent qu’il a été surpris à brutaliser Sacagawea pendant le périple, ce qui lui a valu des réprimandes. Il a entretenu sa mauvaise réputation même dans la vieillesse, alors qu’à 71 ans, il a épousé une Assiniboine de 14 ans.

L’impétueux Toussaint Charbonneau au caractère instable et violent était aussi très expérimenté pour survivre dans les contrées de l’Ouest. Sa participation à l’expédition Lewis et Clark aurait été salutaire pour assurer sa réussite. Même ses talents de cuisinier étaient loués par les membres de l’équipe (sauf par Lewis!).

Articles analysant le personnage de Toussaint Charbonneau : 

🔸 “A man of no peculiar merit:” Toussaint Charbonneau | Frances Hunter’s American Heroes Blog (wordpress.com)

🔸 Toussaint Charbonneau — Sacagawea’s French-Canadian fur trader-husband – Nikki Rajala

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Illustration montrant Lewis et Clark au centre avec Sacagawea et Charbonneau à l’arrière. Source : New York Public Library Digital Collections, sous la collection The Miriam and Ira D. Wallach Division of Art

Jean-Baptiste Charbonneau, aventurier dès la naissance

En février 1805, Lewis et Clarke s’apprêtent à quitter Fort Mandan, y ayant hiverné chez les Hidatsas là où ils engagent Toussaint Charbonneau et Sacagawea. À noter que Charbonneau sera payé pour son travail durant l’expédition alors que Sacagawea ne recevra rien. Cette dernière donne naissance à un bébé le 11 février, Jean-Baptiste Charbonneau (1805-1866), qui sera du voyage avec ses parents. Si Sacagawea est une héroïne pour les Américains, grâce à ses qualités d’interprète et à ses connaissances de la nature, il faut souligner aussi son endurance et sa détermination alors qu’elle assurait son nouveau rôle de maman à 14 ans, dans des conditions loin d’être idéales!

Le petit Jean-Baptiste est surnommé Pomp, ce que voudrait dire « premier né » en langue Shoshone. Il est devenu ainsi le plus jeune membre connu d’une expédition de cette envergure. William Clark s’est attaché à l’enfant et à ses parents, de sorte qu’il leur a offert de s’en occuper après le périple, pendant que Sacagawea et Charbonneau poursuivaient leurs aventures avec d’autres expéditions. Clark a aussi assuré l’éducation de Jean-Baptiste qui, à 18 ans, est allé en Europe pour une période de 6 ans, à l’invitation du prince Paul-Guillaume de Wurtemberg (situé dans le sud-ouest de l’Allemagne). À son retour, l’appel de la nature a fait son œuvre et Jean-Baptiste est devenu tour à tour garde forestier, guide de montagne, chercheur d’or et même politicien en Californie. Célibataire et sans enfants, c’est au cours d’un voyage de retour vers le Montana qu’il a succombé à une pneumonie à l’âge de 61 ans.

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Jean-Baptiste et sa mère Sacagawea figurent sur une pièce d’un dollar américain en circulation depuis l’année 2000. C’est la première fois dans l’histoire de la monnaie américaine qu’un bébé, de surcroît d’ascendance canadienne-française et une Autochtone, sont en vedette sur une pièce de monnaie. Source : United States Mint, Pressroom Image Library, https://en.wikipedia.org/w/index.php?curid=32966341

Lectures suggérées :

🔸 America – L’expédition de Lewis et Clark et la naissance d’une nouvelle puissance, 1803-1853, de Denis Vaugeois. Emprunt gratuit à la Bibliothèque des Amériques.

🔸 Les « Canadiens » de l’expédition Lewis et Clark, 1804-1806 – La traversée d’un continent de Michel Chaloult, aux Éditions Septentrion

🔸 Article sur la domination des colonisateurs : L’expédition de la domination | Cairn.info

 

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