Lawrence Granger (1637-1695) est né à Plymouth en Angleterre. Selon le livre La plume d’Emma*, il arrive en Acadie en 1657 en compagnie de Sir Thomas Temple, gouverneur de l’Acadie, que les Britanniques avaient envahie en 1654. D’autres chercheurs semblent croire qu’il serait plutôt arrivé à Port-Royal en 1664 en tant que matelot, par le même bateau que d’autres colons anglais, écossais et hollandais.
En 1666 ou 1667, il épouse Marie Landry (1650-1719), une Acadienne catholique née à Port-Royal. Lawrence, de religion protestante, se convertit à la religion catholique de sa nouvelle épouse et change son prénom à Laurent. Ce couple et ses neuf enfants sont à l’origine de la majorité des Granger qui vivent aujourd’hui un peu partout sur le continent nord-américain.
Lawrence/Laurent Granger aurait été le fils de John Granger (vers 1600-1696) originaire d’Angleterre et de Grace Membertou (1600-1643), la fille du chef Mi’gmaq Henri Membertou. Ce dernier, par sa diplomatie, son intelligence et son charisme, exerce une influence marquante dans le territoire habité par son peuple, le long des côtes de l’Atlantique. Ses exploits sont soulignés dans le Dictionnaire biographique du Canada et en 2007, un timbre canadien a été émis en son honneur.
Si selon certains généalogistes, il est presque certain que Grace Membertou est la mère de Laurent, les recherches à son sujet donnent des résultats contradictoires. Par exemple, quelques sources mentionnent que Grace Membertou a plutôt marié un certain Sylvester Granger à La Rochelle en France. D’autres recherches montrent qu’elle est née en 1584 et non en 1600. De plus, il n’existe pas de documents formels sur l’existence du couple John et Grace dont on dit qu’ils se seraient mariés à Plymouth en Angleterre (ou Plymouth en Nouvelle-Angleterre?), où ils auraient vécu toute leur vie. Ce sont des mystères qu’il reste encore à élucider. **
À lire : discussion en anglais dans Wiki sur les ancêtres Grace et John Granger.
Ironiquement, les frères Charles et Joseph Granger, deux des petits-enfants de l’Anglais Laurent Granger sont chassés d’Acadie par les Britanniques en 1755 au cours de la Déportation des Acadiens. Ils font partie des seize familles Granger déportées de Grand-Pré en Nouvelle-Écosse pour vivre un long exil au Connecticut.
En 1772, Charles et Joseph Granger retournent au Canada pour s’installer au Québec, principalement dans les régions de la Montérégie et de Lanaudière. Ces deux frères sont les ancêtres communs de trois personnes qui font partie de ma vie, ce qui confirme que le monde est petit!
D’abord mon amie d’enfance, Marie-Josée Comtois, de Sainte-Julie au Québec. Sa grand-mère paternelle Éoline Granger est une descendante directe de Charles, l’un des frères Granger. Cette branche de la famille est restée au Québec depuis 1772.
Joseph, l’autre frère Granger qui a vécu la déportation, est à l’origine de deux branches familiales qui se sont installées au Manitoba au 19e siècle. Il s’agit de la famille de Marie-Claire Granger dont les parents ont fait partie des pionniers d’un petit village, Fatima, et d’André Granger dont l’arrière-grand-père, Joseph, a quitté le Québec en 1888 pour vivre à La Broquerie. Les Manitobains Marie-Claire et André ne se connaissent pas, mais leur famille respective a laissé leur marque dans ces deux villages de l’est du Manitoba. Pour voir à quel endroit dans l’arbre généalogique des Granger les branches familiales de Marie-Josée, Marie-Claire et André se rejoignent, cliquez ici.
Joseph Granger (1859-1949) a quitté son village natal de Saint-Jacques-de-L’Achigan au Québec à l’aube de ses 18 ans, en compagnie de son oncle Hormidas. Ce dernier avait déjà visité le Manitoba et y retournait pour y vivre, ce qui avait tenté le jeune Joseph. Après 10 années à travailler la terre pour différents fermiers, il retourne à Saint-Jacques et épouse Emma Martin en 1888 avec qui il retourne au Manitoba quelques semaines plus tard, cette fois, pour de bon. Le couple Granger s’installe à La Broquerie où Joseph obtient une concession pour cultiver la terre, alors qu’Emma enseigne aux enfants du village comme elle l’a fait auparavant au Québec. Ils auront 3 enfants, dont Louis-Joseph, le grand-père d’André Granger. Cette famille est installée à La Broquerie depuis 4 générations. D’ailleurs, l’histoire de ce village a tourné autour du destin de nombreuses familles pionnières comme les Granger, dont les Boily, Gauthier, Balcaen, Mireault, Tétrault et Vielfaure.
Joseph Aristide Granger arrive à Letellier dans le sud du Manitoba en 1917, espérant avoir du succès comme cultivateur. Mais une série de malchances l’oblige, en 1929, à tout recommencer à zéro à Tangent, près de Rivière-la-Paix dans le nord de l’Alberta où l’attend son fils Napoléon. Ce dernier lui trouve un homestead où il pourra enfin faire sa vie. Les Granger père et fils ont participé à la construction de la première église de Tangent, de son école et du magasin Duval. De nombreux Franco-Albertains portant le patronyme Granger sont des descendants de Joseph Aristide.
Son frère, Zotique Granger (grand-père de Marie-Claire) est arrivé à Letellier avant Joseph Aristide et a choisi de s’y installer pour de bon. En 1915, il épouse une fille du pays, Juliette Barnabé. Zotique est un bon fermier, un homme à tout faire pouvant réparer à peu près n’importe quoi, en plus d’être le chef de la chorale de l’église. Juliette et Zotique ont eu 12 enfants, dont Hercule, la père de Marie-Claire.
Dans les années 1950, c’est à mi-chemin entre le lac Winnipeg et le Bouclier canadien qu’Hercule et sa nouvelle épouse, Cécile Grégoire, décident de s’établir. Hercule cultive une terre à Fatima, une paroisse catholique canadienne-française, qui plus tard, avec l’arrivée de nombreuses familles originaires de l’Europe de l’Est, sera annexée au village de Stead. Marie-Claire Granger* y a grandi dans les années 1960 et 1970. Elle en garde de très beaux souvenirs. Pour que Fatima ne tombe pas dans l’oubli, elle raconte son histoire dans un article que l’on peut lire dans les pages du Manitoba Historical Society (en anglais).
En 1755, les Granger de Grand-Pré en Acadie ont été dispersés de force un peu partout en Amérique du Nord. Certains ont péri avec le bateau qui les transportait, cinq familles ont été envoyées en Louisiane et leurs descendants y vivent toujours. Les ancêtres de mes amis, Marie-Josée, Marie-Claire et André se sont retrouvés au Connecticut. Avec le Traité de Paris en 1763, ces exilés retrouvent le chemin de la liberté et décident tous de s’installer au Québec. De là, les plus aventureux ont pris la route vers l’Ouest et le nom Granger s’entend aujourd’hui partout dans les Prairies, les Rocheuses, sur la côte du Pacifique et aux États-Unis. Le courage et la persévérance de ces ancêtres ont eu raison de l’adversité!
La plume d’Emma est un livre de 770 pages dans lequel Hermance Gauthier-Granger (1927-2004) de La Broquerie a compilé le journal intime et la correspondance d’Emma Martin qui, avec son époux Joseph Granger, s’est installée au Manitoba en 1888. Un merci spécial à André Granger pour m’avoir donné l’accès aux photos et aux écrits d’Emma Martin. J’aimerais remercier Marie-Claire Granger de m’avoir fourni des photos de famille ainsi qu’une copie du livre sur l’histoire de sa famille écrit par son cousin Lucien Granger de Calgary. Les ouvrages d’Hermance et de Lucien sont des exemples de trésors généalogiques qui nous permettent aujourd’hui de garder vivantes les histoires de nos familles.