Amable avait la réputation d’être un très bon charpentier. Il a fait partie des ouvriers qui ont construit le couvent des Sœurs Grises qui abrite aujourd’hui le Musée de Saint-Boniface. De plus, il a choisi de s’adapter aux coutumes et au style de vie des Métis, devenant un chasseur de bisons réputé. Homme aux nombreux talents, il s’installe sur une terre agricole qu’il exploite avec succès en compagnie de son épouse Josette Lagimodière. Le couple donne naissance à dix enfants, dont André Nault. Ce dernier et trois de ses fils s’inscrivent par leurs actions dans l’histoire de la résistance des Métis de 1869 et 1885.
Comme son père Amable, André Nault (1830-1924) est un excellent chasseur et fermier, en plus d’être un activiste à la défense des droits des Métis. Il joue un rôle prépondérant dans la Résistance de la Rivière-Rouge de 1869-1870. André Nault, ses frères Benjamin et Romain faisaient partie d’un groupe de sympathisants aux côtés des Métis, dont leur cousin Louis Riel, qui ont stoppé des envoyés du gouvernement canadien dans leur intention d’arpenter les terres sans consulter la population locale. Cette histoire est racontée en détail dans un article de l’Encyclopédie canadienne.
Dans le cadre du procès et de l’exécution de l’orangiste Thomas Scott, André Nault a été arrêté et emprisonné en 1874, jugé pour meurtre, mais finalement libéré au bout d’un an, profitant d’une amnistie décidée par le gouvernement fédéral. L’excellent Dictionnaire biographique du Canada raconte la vie d’André Nault avec détails, mais il y manque une anecdote que j’ai tirée du livre consacré à la famille d’Amable Nault écrit en 1978 par le père Charles-Eugène Voyer de Sainte-Anne au Manitoba.* L’auteur y raconte qu’en 1871, André Nault accompagne la mère de Louis Riel auprès de son fils malade, exilé aux États-Unis. À son retour, il est attaqué par des soldats canadiens-anglais (faisant partie des troupes du Colonel Wolseley) qui le blessent gravement, l’abandonnant sur place, le croyant mort. André Nault réussit à se rendre chez un Métis qui le soigne pendant une semaine. Il en gardera une cicatrice profonde à la tête. Cette période trouble l’a certainement affecté, car peu de temps après, il s’est retiré de la vie publique pour s’occuper de sa ferme à Saint-Vital jusqu’à sa mort.
André Nault et son épouse Anastasie Landry ont eu 14 enfants. Trois de leurs garçons, André fils, Élie et Napoléon ont pris une part active à la résistance de 1885 aux côtés des Métis.
Napoléon Nault (1858-1931) a assuré les arrières de Gabriel Dumont au cours de deux batailles. Après Batoche, Napoléon, sa femme Mélanie Vandal et leurs quatre enfants se sont exilés aux États-Unis, où Napoléon a servi d’interprète en anglais pour Gabriel Dumont.
Pendant la Résistance de 1885, le frère de Napoléon, André Nault fils (1860-1942) était soupçonné d’être un espion de Riel par les forces armées canadiennes. Il a été arrêté en mars 1885, mais relâché peu de temps après, faute de preuve. Il a ensuite été accusé de trahison, mais encore une fois, remis en liberté. Si, tout comme son frère Napoléon, il a trouvé refuge aux États-Unis après les événements de Batoche, il a fini sa vie à Saint-Vital au Manitoba.
Après Batoche, Elie Nault (1861-1940) n’a pas connu l’exil comme ses frères. Il est resté en Saskatchewan où il s’est établi dans la région de Jackfish Lake (nord-ouest de la province) jusqu’à son décès. Marié à Marie-Anne Charrette, originaire de Saint-Norbert au Manitoba, le couple a eu de nombreux enfants dont deux fils, Alexandre Damase et Napoléon, tous deux soldats canadiens pendant la Première Guerre mondiale. Napoléon est mort au combat en France en novembre 1917. Pour ajouter à ce malheur, Elie et Marie-Anne ont perdu l’année suivante un autre fils, Martin, mort de la grippe espagnole durant l’épidémie de 1918.
Le 12 décembre 1885, la communauté Métisse est sur le point d’inhumer son héros, Louis Riel. Parmi les 18 porteurs, qui feront le trajet à pied de 10 kilomètres de Saint-Vital jusqu’au cimetière de la cathédrale de Saint-Boniface, on compte ses cousins Nault: Benjamin, Romain, Charles, Alfred, Elie, Prospère, Martin et André. Leur présence symbolise l’attachement et la loyauté de la famille Nault à la cause des Métis qui se confirme encore aujourd’hui chez les milliers de descendants de cette famille engagée de l’Ouest canadien.
Napoléon Nault, un des héros de Batoche mentionné plus haut, a été marié trois fois au cours de sa vie. Après le décès de Mélanie en 1898, alors qu’il vit au Montana, il épouse Louise Bouchie (Boucher en michif) et au décès de celle-ci, Hattie Jarvis en 1908. Napoléon et Hattie ont eu un fils, Norman, véritable force de la nature dont voici quelques exploits, tels que racontés dans un article du journal Homer News d’Alaska, au moment de son décès en 2003*.
Norman Nault est né au Montana en 1915. À l’âge de 10 ans, il était déjà un avide trappeur et chasseur et savait monter à cheval. À 16 ans, il saute dans un train de marchandises et se dirige en Californie où il exerce divers métiers manuels. Il est aussi chercheur d’or dans les mines de la région et figurant dans des films à Hollywood. À 26 ans, en 1941, il se dirige vers l’île de Wake dans le Pacifique pour travailler à construire des fortifications. Mais cette île est attaquée par les Japonais en même temps que Pearl Harbor et Norman est fait prisonnier de guerre. Pendant quatre ans passés dans des camps au Japon et en Chine, il sera victime de tortures et de maladies et tentera 3 fois de s’évader sans succès. Après la Seconde Guerre mondiale, il retourne au Montana comme guide en forêt où il a survécu à une attaque de grizzlys. Sa famille disait de lui qu’il avait 9 vies comme les chats. Norman a survécu à une morsure d’une araignée veuve noire, à des blessures causées par la foudre alors qu’il a été frappé à 2 reprises et à un cancer de la gorge. Dans les années 1950 et 1960, Norman Nault a été pêcheur commercial de crabe et de saumon sur l’île Kodiak en Alaska où il a survécu à un tremblement de terre majeur en 1964. Au moment de prendre sa retraite en Californie où il est mort à l’âge de 87 ans, il avait évalué avoir eu au moins 80 différents emplois au cours de sa vie.
Les aventures de Norman Nault et de ses ancêtres sont à l’image de bien d’autres membres de cette grande famille dispersée un peu partout dans l’ouest du Canada et des États-Unis. Je vous invite à consulter en ligne les archives de la Société historique de Saint-Boniface si vous désirez poursuivre cette exploration généalogique.
J’aimerais remercier de tout mon cœur Janelle Delorme et Marie-Claire Granger (et sa sœur Lucienne Gunning) qui ont partagé des documents et des photos de leurs ancêtres Nault, très utiles à la rédaction de ce blogue. Je suis très reconnaissante à Janet LaFrance et son équipe de la Société historique de Saint-Boniface qui travaillent sans relâche pour ajouter des documents et des photos en ligne afin de les rendre disponibles au grand public.