Le nom de famille qui allait de soi pour ouvrir cette série de blogues est Gaboury, bien entendu. Il est porté par des personnes marquantes de notre histoire. Marie-Anne Gaboury, première femme non-autochtone à vivre dans l’Ouest, Lise Gaboury Diallo, femme de lettres et professeure, son père Étienne Gaboury, l’un des plus grands architectes canadiens de notre époque, et Placide Gaboury, frère d’Étienne, philosophe et auteur.
Les Gaboury se comptent par milliers dans tout l’Ouest canadien, mais c’est au Québec qu’ils sont les plus nombreux. C’est d’ailleurs dans cette province que leur ancêtre commun, Antoine Gaboury, s’est établi en 1659, arrivant de LaRochelle en France.
En discutant au téléphone avec Étienne Gaboury, j’ai tout de suite senti son vif intérêt pour l’histoire de sa famille, une passion qu’il partage avec un cousin lointain, Dave Gaboury. Historien amateur de Fargo au Dakota du Nord, Dave Gaboury planifie d’ici quelques mois la sortie d’un livre sur les Gaboury et les 350 ans d’histoire de leur établissement sur tout le continent nord-américain.
Arrière-arrière petite-fille de l’ancêtre Antoine, Marie-Anne Gaboury est née à Maskinongé au Québec en 1780. En 1806, elle épouse le voyageur Jean-Baptiste Lagimodière (dont le nom est orthographié différemment selon les sources : Lagemodière, Lagimonière et Lajimodière). Deux semaines après son mariage, Marie-Anne fait preuve d’audace et de courage en suivant son époux dans l’Ouest, un périple en canot de trois mois. C’est au Manitoba et dans les plaines de l’Ouest qu’elle s’établira avec Jean-Baptiste. Première femme non-autochtone à s’établir dans l’Ouest, elle sera témoin d’une époque aujourd’hui révolue, celle de la chasse aux bisons. Elle vivra aussi la création du Manitoba en 1870, œuvre de son petit-fils, Louis Riel. Marie-Anne Gaboury est décédée en 1875 à l’âge vénérable de 95 ans. La Société historique de Saint-Boniface relate les péripéties de sa vie dans cet article.
Chez les Gaboury de la région sud-ouest de la province, la vie à la ferme, en pleine nature semble avoir été inspirante pour les frères Étienne et Placide, ainsi que pour l’aîné de la famille, Gérard qui, au dire d’Étienne, était très habile de ses mains. Bricoleur autodidacte, il pouvait fabriquer des engins miniatures qui fonctionnaient bien. Mais il s’est distingué surtout en fabriquant 36 violons de qualité sans jamais avoir pris de cours de lutherie. Voici un court portrait de trois membres de cette famille remarquable.
Professeure, chercheuse, poète, essayiste, nouvelliste, Lise Gaboury-Diallo partage sa passion pour la littérature avec ses étudiantes et ses étudiants de l’Université de Saint-Boniface depuis 1984. Autrice à succès, elle est reconnue dans toute la Francophonie pour la qualité de ses recueils de poésie et de nouvelles qui lui ont valu de nombreuses distinctions dont l’Ordre du Canada en 2017. Lise Gaboury-Diallo est coautrice d’un livre biographique, Femmes engagées, sorti plus tôt cette année, un hommage à cent femmes qui ont marqué l’histoire du Manitoba français du 20e siècle. Elle est la fille de deux artistes reconnus dans leur domaine respectif, l’architecte Étienne Gaboury et la céramiste Claire Breton.
Né à Bruxelles au Manitoba en 1930, Étienne Gaboury a grandi sur la ferme familiale entouré de ses dix frères et sœurs. Après des études en arts et en architecture, il est arrivé à Paris en 1958 pour fréquenter l’école des Beaux-Arts. Pendant ce séjour, il rencontre Le Corbusier qui a marqué le jeune étudiant touché par l’impact spirituel des œuvres du grand architecte. De retour au Manitoba, Étienne Gaboury est devenu un architecte prolifique et reconnu, entre autres, pour son utilisation de matériaux nobles et pour mettre en valeur la lumière naturelle. Parmi ses accomplissements reconnus, notons l’église Précieux-Sang à Saint-Boniface, la Cathédrale de Saint-Boniface, l’Hôtel de la Monnaie de Winnipeg et l’Esplanade Riel, devenue un point de repère incontournable de Winnipeg. Je vous invite à lire cet excellent portrait de la vie et de la carrière d’Étienne Gaboury dans cette page du Centre du patrimoine.
Le frère d’Étienne, Placide Gaboury était de deux ans son aîné. Né en 1928, il est entré en religion chez les Jésuites à 21 ans. Après plus de trois décennies de vie religieuse, Placide Gaboury décide de se libérer des dogmes de l’Église. Il s’est ensuite consacré à l‘écriture de nombreux ouvrages de spiritualité et de bien-être. Ayant vécu au Québec une grande partie de sa vie d’adulte, Placide Gaboury est décédé en 2019. « C’est le domaine du cœur qui rayonne à travers tout l’être et le guérit de ses désordres. »
Il existe quelques lieux qui rendent un hommage permanent à Marie-Anne Gaboury en portant son nom : une rue, un centre culturel et une fondation francophone à Edmonton, une école et un parc à Winnipeg, un parc et une statue à Maskinongé, et même une chanson d’Alexandre Belliard.
Plusieurs autrices et auteurs ont raconté la vie de cette pionnière de l’Ouest, dont Maggie Siggins, dans un ouvrage analysé ici par nulle autre que… Lise Gaboury-Diallo!
Quant à Étienne Gaboury, si le Centre étudiant de l’Université de Saint-Boniface est le seul endroit qui porte son nom, nous héritons de son patrimoine architectural, des œuvres publiques qui sont autant de témoignages de sa contribution à l’excellence en architecture canadienne.