Je vous ai laissé avec un blogue au mois d’août dernier, après avoir passé en juin mon examen de connaissances pour devenir canadienne. J’attendais alors avec impatience l’étape suivante dans le processus de demande de citoyenneté: la cérémonie.
Cela tournait à l’obsession. Tous les jours, j’allais vérifier mon outil de suivi en ligne sur le site d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) pour voir si le sésame arrivait. Sur les réseaux sociaux, sur des groupes de futurs Canadiens plus ou moins anxieux, les partages de dates et d’expériences ne me rassuraient pas. Des tas de gens ayant envoyé leur dossier après moi étaient déjà convoqués. J’ai attendu, attendu, attendu. Quand mon dossier a passé la barre d’un an, j’étais un peu triste. Mais les mois ont continué à défiler, sans que rien ne bouge.
Est-ce qu’il y a des recours pour faire avancer les choses? Pas tant que la demande ne dépasse pas officiellement un certain délai, au-delà duquel les candidats sont admissibles à un remboursement de la part d’IRCC. Je savais donc que cela allait finir par se décanter avant une certaine date mais je continuais d’aller consulter mon tracker tous les jours.
Début avril, après environ 18 mois d’attente, je reçois enfin le courriel me convoquant à une cérémonie de citoyenneté. Fait étonnant, je vis au Manitoba, mais ce courriel provenait du bureau de Vancouver: la cérémonie sera donc virtuelle. Mais je suis tellement soulagée de voir enfin la fin du tunnel et de 10 ans de procédures diverses (entre les permis de travail et la résidence permanente, j’ai passé la moitié de ces 10 ans à attendre quelque chose de la part d’IRCC) que je ne râle pas.
Et pourtant, je n’imaginais pas que le gouvernement fédéral allait être frappé par une grève qui a commencé deux jours avant la date prévue pour ma cérémonie. Faire de nouveaux citoyens n’est pas un service essentiel, toutes les cérémonies à travers le pays sont annulées sans nouvelle date. C’est la douche froide. Après quelques larmes et remises en questions, je finis par réaliser qu’à part attendre, il n’y a rien d’autre à faire.
La grève se termine le lundi 1er mai. Les fonctionnaires fédéraux retournent au travail. Sur Facebook, dans ces fameux groupes, tous les candidats dans la même posture que moi reçoivent leurs nouvelles dates de cérémonies. Moi, j’attends, je ne reçois rien de la semaine et mes courriels restent sans réponse. Je finis par téléphoner au centre de soutien à la clientèle et l’agent que j’ai en ligne m’annonce la nouvelle date, prévue deux semaines plus tard. Toujours organisée par le bureau de Vancouver, la cérémonie sera virtuelle.
Dans le laps de ces deux semaines, j’apprends qu’une cérémonie bilingue en personne a lieu quelques jours après ma convocation à Winnipeg, où je vis. Je demande un transfert mais n’obtiendrai jamais de réponse. Je ne comprends pas la logique derrière ces décisions arbitraires: pourquoi certains candidats deviennent-ils Canadiens devant Zoom et d’autres non? Pourquoi ne pas laisser le choix aux futurs citoyens? Comment créer une sensation d’appartenance à son nouveau pays devant un écran?
Toute la semaine, mes amis se réjouissent pour moi mais je refuse d’y croire, on n’est pas à l’abri d’une seconde annulation ou d’un problème technique. Pourtant, le jour arrive.
Il est possible de porter une tenue traditionnelle de son pays d’origine ou bien des vêtements rouges et blancs pour rappeler l’unifolié. En bonne Française, je me pare de mon plus beau T-shirt rayé (et d’une veste rouge). J’accroche un drapeau derrière moi car les arrière-plans virtuels dans Zoom sont interdits. Je prépare mes papiers d’identité, une paire de ciseaux pour couper ma carte de résidente permanente, et je me mets devant mon ordinateur.
Le tout a duré deux heures environ :
🔸 une heure d’attente – car il faut que les agents d’IRCC vérifient l’identité de chaque candidat individuellement
🔸 45 minutes de cérémonie
🔸 et enfin un quart d’heure de détails administratifs.
L’attente a été longue, mais les gens qui ne maîtrisent pas la fonction sourdine de leur micro sont aussi drôles qu’énervants. Quant à la cérémonie en elle-même, après une petite vidéo sur les beautés du Canada, elle consiste à prêter serment dans les deux langues officielles, avec la main droite levée et chanter l’hymne national. Il est interdit de filmer ou de prendre des photos pour des raisons de consentement et de droit à l’image, sauf pendant une minute avec le ou la juge de citoyenneté à la fin de la cérémonie.
Et voilà, je suis canadienne comme les 112 autres personnes originaires de 48 pays présents dans cette cérémonie avec moi. Ma persévérance (pour citer la juge) a été récompensée. Est-ce que ça valait le coup de devenir canadienne? Probablement. Malgré une pointe de regret de ne pas avoir eu de cérémonie en personne, je suis contente désormais de pouvoir voter et de continuer à m’investir dans mon pays d’accueil.