Il y a quelques mois, j’ai fait la connaissance de Christiane dans des groupes Facebook où les membres partagent des histoires de famille et des photos. Depuis, nous n’avons pas cessé de nous écrire sur le sujet. Il faut dire que les connaissances de Christiane en généalogie sont impressionnantes. Elle a consacré presque tout son temps libre des dernières années à mettre en lumière la vie de ses aïeux Métis.
« Je veux que toutes les histoires de tous les Métis soient connues. C’est une histoire riche qu’il faut partager pour comprendre comment le Canada est devenu le Canada! Il faut apprendre de nos ancêtres qui ont survécu et de ceux qui n’ont pas survécu, les reconnaître et être fiers! »
J’ai le plaisir de vous présenter Christiane Carrier Kennedy dans cet article ainsi qu’un de ses ancêtres, Charles Sauvé, dont l’histoire est fascinante!
Christiane Carrier est née à Winnipeg en 1967 où elle a fait toutes ses études en français. Elle a ensuite vécu à Saint-Pierre-Jolys pendant quelques années. Puis, un défi l’attend. Elle décide de déménager à Saint-Boniface pour y élever seule ses trois enfants, Sylvain, Chanel et Céleste, tout en travaillant le jour et en étudiant le soir. Christiane habite maintenant en Nouvelle-Écosse, mais revient visiter sa famille et sa province natale très souvent. La généalogie, c’est dans son ADN, car son père, Paul Carrier, se passionnait depuis longtemps pour le sujet. « Ça a commencé avec mon père – il me contait les histoires de nos ancêtres, il faisait de la recherche, son frère Edouard aussi, bien avant lui. Il n’y avait pas d’Internet à ce temps-là, donc toute la recherche se faisait dans des archives, en personne! »
C’est en 9e année que Christiane a commencé à réaliser l’importance de connaître son ascendance. Albert Dubé, son enseignant au Collège de Saint-Boniface (aujourd’hui Collège Louis-Riel), a demandé aux élèves de rechercher leurs ancêtres célèbres. « Je ne savais rien. Je ne savais pas encore que j’étais parenté à Louis Riel, qu’un de mes aïeux (Charles Sauvé) était son voisin, que ma famille était amie avec celle de Riel. Là, je me rattrape! »
Depuis 2009, Christiane consacre des centaines d’heures à mettre au jour des histoires de ses ancêtres Métis dont celle de son trisaïeul Charles Sauvé, né au Grand lac des Esclaves en 1859 et mort à Winnipeg en 1932. Il était le fils de Joseph Sauvé et Marie Dease, des voisins et amis de la famille Riel à Saint-Vital. Charles Sauvé a enseigné pendant plus de 30 ans. Il a été le premier éducateur en français de la petite école Saint-Pierre-Sud (Manitoba) en 1879.
Juge de paix et inventeur, il a détenu, entre autres, les brevets d’invention d’une barrière de ferme à ouverture automatique et du système de glissage du siège des avirons. Il a œuvré comme secrétaire de l’Union nationale métisse Saint-Joseph du Manitoba de 1889 à 1898.
Christiane a mis la main sur les mémoires de Charles Sauvé, qui sont conservés à la Société historique de Saint-Boniface. On y trouve des informations détaillées sur la vie de Louis Riel et sur l’année fatidique de 1885. Après la pendaison de Riel, Charles Sauvé et Louis Lavallée ont été investis d’une mission dangereuse en cette époque d’hostilité envers les Métis : ramener le corps de Louis Riel par le train, de Regina à Winnipeg.
Les frères de Charles Sauvé, Joseph et Pierre étaient aussi dévoués à la cause métisse, car ils ont participé à la Résistance de Batoche, tout comme environ 80 des ascendants de Christiane.
Jacques Carrière, de Candiac au Québec, est un cousin de Christiane Carrier Kennedy. Durant la pandémie, il a fait un travail phénoménal sur l’histoire de la famille Carrière/Carrier sous la forme d’un livre de près de 300 pages! Il a retracé l’ancêtre commun des deux patronymes au Canada, Jean Carrier, originaire de la Saintonge en France. Il serait arrivé en Nouvelle-France en 1660 pour travailler à l’hôpital de Québec. Il épouse Barbe Halay (ou Hallé) en 1670. Les Carrier et Carrière au Canada sont tous des descendants de leurs trois fils. Dès la fin du 18e siècle, on retrouve des membres de cette famille dans les 3 provinces des Prairies.
Si Christiane a rêvé longtemps de trouver des célébrités dans son arbre généalogique, c’est son cousin Jacques qui a comblé ses attentes, car il a réussi à remonter jusqu’au Moyen-Âge! Leurs ancêtres incluent des rois et des empereurs d’Europe, dont le fameux Charlemagne!
Christiane Carrier Kennedy se tourne vers l’avenir avec confiance. Il y a une relève parmi les jeunes Métis pour continuer à raconter leurs histoires aux prochaines générations. « C’est avec fierté que je transmets nos histoires de famille à mes enfants et mes petits-enfants. Et qu’ils continueront à le faire dans la langue de nos ancêtres, le français. »
Un grand merci à Christiane Carrier Kennedy pour avoir pris le temps de partager son savoir avec moi. Je suis reconnaissante aussi à son cousin Jacques pour le travail titanesque qu’il a accompli en publiant un livre à compte d’auteur sur l’histoire des Carrière. Et finalement, bravo à l’équipe de la Société historique de Saint-Boniface (SHSB) pour son travail d’archivage de documents et de photos, ainsi que pour leur numérisation qui les rend accessibles au grand public. La SHSB vient de mettre en ligne de nouvelles photos provenant du fonds Famille Camille Pierre Teillet et Louise Sara Riel, incluant des photos inédites de Batoche et des familles Nault et Carrière.