La Canon 5D: Un grand classique ou une caméra désuète?
L'art de la photographie: la lumière est notre pinceau
Par
Dominique Liboiron | 19 octobre 2024
Est-ce qu’une caméra numérique âgée de 19 ans peut encore capter de belles photos? Si non, pourquoi pas? Si oui, pourquoi est-ce qu’on aurait besoin de dépenser une grande somme d’argent pour acheter une nouvelle caméra? Je vais tenter de répondre à ces trois questions.
La caméra dont je vais parler est la Canon 5D. Depuis des années, j’entendais des chuchotements à son égard comme quoi elle possédait une certaine magie. Supposément, elle avait le don de produire des couleurs tout à fait splendides. Certains osaient même dire qu’elle prenait de meilleures photos que les caméras plus récentes. Même si du point de vue technologique la 5D est dépassée, cela ne semble aucunement nuire à la qualité de ses images. J’étais intrigué. Je voulais savoir si la 5D pouvait faire concurrence aux nouveaux modèles.
Il y a quelques mois, je parlais au téléphone avec Yvan Lebel, un photographe professionnel de grande expérience. Yvan m’a dit qu’il avait une 5D dont il ne se servait plus et il me l’a offerte. Au mois de juillet, je suis monté chez lui et j’ai récupéré la caméra. Depuis, j’évalue la 5D dans le but de découvrir si les chuchotements entendus ne sont que des rumeurs ou s’ils révèlent un secret.
D’après ce que j’ai entendu, la magie de la 5D est le produit des ingénieurs de Canon. Lorsque la 5D a paru, les gens se servaient encore des appareils photo à film. Afin de convaincre le public d’acheter une nouvelle caméra dispendieuse, les ingénieurs se sont concentrés sur la beauté des couleurs. Ils ont créé une caméra qui pouvait capter des images aux couleurs riches et vibrantes comme sur du film, mais avec les avantages de la technologie numérique.
La première chose que j’ai faite lorsque j’ai eu ma Canon 5D était de prendre des photos de signes de néon. J’avais entendu que la caméra avait le don de capter des couleurs radiantes. Je voulais voir si c’était vrai.
J’étais impressionné par les résultats. La 5D transmet la lueur du néon.
De nos jours, une caméra numérique ne nous impressionne pas, mais reportons-nous à la fin des années 90 et au début des années 2000. Les caméras numériques étaient révolutionnaires. Elles n’avaient pas les inconvénients des appareils à pellicules. Avec un simple coup d’œil à l’écran, le photographe savait assurément si sa photo était réussie ou non. Cette certitude était impossible avec le film. De plus, le photographe n’avait plus à attendre, ni à payer, pour développer la pellicule. Oui, le Polaroid existait, mais la qualité des images instantanées laissait toujours à désirer.
Après avoir capté des photos de néon, je me suis demandé si la 5D pouvait capter la beauté des couleurs de la nature. Dans cette image de roses trémières, je cherchais à voir si la 5D pouvait transmettre l’intensité des pétales ainsi que la lumière douce du soleil couchant.
Ici, je jouais avec la lumière du même soleil couchant, mais cette fois-ci je voulais qu’elle illumine le tournesol comme un halo.
Il restait encore assez de lumière pour éclairer ces fleurs.
Comme vous voyez, malgré son âge la 5D est tout à fait capable d’exprimer la beauté des couleurs. Cela étant dit, je ne veux pas vous donner l’idée que Canon a réalisé cet exploit lors de son premier essai. La 5D n’est pas la première caméra numérique de Canon. La toute première remonte à 1995, il y a presque 30 ans. Ce modèle originel, fabriqué en partenariat avec Kodak, s’appelle la Canon DCS 5 et coûtait presque 12 000 $ américains soit l’équivalent de 33 600 $ canadiens aujourd’hui. À l’époque, c’étaient des entreprises majeures comme National Geographic ou le New York Times qui achetaient des caméras numériques. L’individu moyen aura à attendre l’année 2000 pour que les prix baissent suffisamment. Au cours de cette année-là, Canon a lancé la D30, un appareil qui coûtait 3 000 $ américains ou 7 500 $ en dollars canadiens actuels. La 5D a vu le jour le 22 août 2005 et elle coûtait 299 $ de plus que la D30.
Au cours de l’été, je me suis beaucoup promené dans ma ville à la recherche de sujets pour ma 5D. J’aimais bien le ton bleu de cette scène ainsi que l’atmosphère sereine.
Durant une de mes maintes promenades, j’ai passé par cette cour et j’étais attiré par le mélange de vert, de rose et de noir. J’étais également attiré par le côté ridicule de cette fourgonnette avec des dents de requins.
Pour cette somme d’argent assez considérable à l’époque, la 5D vous offrait un capteur plein format de 12,7 mégapixels, 9 points de mire et un ISO de 50 à 3200.
Au niveau de la 5D et de ses accessoires, j’aime me servir du blocpiles (au centre). Il s’insère sous la caméra et je peux y mettre deux piles. Avec une seule pile, je réussis à prendre 300 photos, mais en avec deux je peux dépasser 800 photos. Comme de raison, le blocpiles ajoute du poids. Pour cette raison, je suggère une courroie large pour répartir la pesanteur. La 5D est conçue pour les lentilles de la série EF. J’obtiens des images claires avec ma lentille de 40 mm (à droite) tandis que ma lentille de 50 mm f/1.4 (sur la caméra) me permet de rendre l’arrière-plan flou.
Comme bien des appareils à l’époque, la 5D se sert de cartes mémoire CF. Ces cartes ont l’avantage d’être plus solides que les cartes SD, plus communes de nos jours. Étant plus grandes, on les perd moins facilement. En revanche, de moins en moins de magasins les vendent. Aussi, une carte CF a un grand désavantage. Il faut faire très attention de bien l'aligner en l’insérant. À l’intérieur d’une caméra comme la 5D, nous trouvons 50 broches dorées. Elles plient facilement. Si vous en fendez une, la caméra doit être réparée. Pour éviter cela, c’est mieux de vous servir de cartes construites avec des dimensions précises pour que les broches s'alignent avec les trous. Fiez-vous à des marques de qualité comme SanDisk ou Lexar. Évitez les marques moins connues.
Je préfère des cartes mémoires SD (à gauche) car je ne suis pas obligé d’y faire attention comme avec une carte CF. Photo: Premium Beat.com
Si nous comparons la 5D à la Sony a1, parue en 2022, avec ses 50 mégapixels et son ISO de 102 400 la Canon semble dépassée, mais en termes de qualité des images elle ne se déshonore pas. Par contre, il existe d’autres éléments afin d’évaluer une caméra. Passons aux forces et aux faiblesses de la 5D.
Forces
- La 5D produit des couleurs splendides. Elles dépassent un peu la réalité et sont plus pétillantes que dans la vraie vie. Selon moi, c’est sa plus grande force. Les gens en parlent encore même si la caméra a presque 20 ans.
- Le prix est très abordable. Canon a remplacé la 5D avec la 5D II en 2008. Donc, la production de nouvelles 5D a cessé depuis une quinzaine d’années. Au Canada, un exemplaire usagé en bon état coûte autour de 325$. La 5D est de calibre professionnel alors vous en avez beaucoup pour votre argent.
- Elle est fiable et robuste. Cette caméra va durer longtemps.
- Les images ne souffrent pas de beaucoup de bruit numérique, même au ISO maximum de 3200.
- Les fichiers ne sont pas énormes. Donc, ils n’occupent pas beaucoup de place sur une carte mémoire ni sur un ordinateur. Par exemple, un fichier RAW compte environ 12 mégabytes. Un JPEG large en couleur tourne autour de 6 mégabytes. Un petit JPEG en noir et blanc compte en moyenne juste 1,5 mégabytes.
- Sa simplicité est une de ses forces. Par exemple, la 5D possède un menu simple. Il est facile à naviguer et n’est pas encombré par trop de fonctions ni de fonctions difficiles à comprendre. Celles que nous y trouvons s’opèrent en touchant juste un bouton ou deux. La 5D n’a pas la capacité d’enregistrer des vidéos. Elle ne sert qu’à prendre des photos.
Faiblesses
- La 5D a deux faiblesses principales. La première se trouve au niveau de son miroir qui se décolle parfois. Ce problème se retrouve chez les modèles qui datent de 2005 et 2006. Pour les identifier, regardez le numéro de série qui se trouve sous la caméra. Les numéros qui commencent par 0 ou 1 remontent aux années en question. Dans le passé, Canon réparait gratuitement le miroir, mais la compagnie n’offre plus aujourd’hui cette solution. Heureusement ce problème est facile à réparer par vous-même. Canon a amélioré les modèles construits en 2007 et 2008. Ils ne souffrent pas de ce problème. Leur numéro de série commence par 2 ou 3. Si possible, achetez un de ces modèles..
- L’écran est petit et imprécis. Donc, les photos sont difficiles à voir. En les regardant, je ne suis jamais certain si la mise au point est réussie. Par contre, je peux faire confiance au point central du système de mise au point automatique. Il s’illumine avec une lumière rouge pour confirmer la mise au point. Les huit autres points sont moins précis, surtout à la noirceur.
- La 5D met trop facilement la lumière en surbrillance. Si une scène contient de la lumière égale, la 5D gère bien l’exposition. Par contre, si une scène contient de la lumière blanche et des ombres, la caméra « brûle » le blanc. Quand Yvan m’a donné son 5D, il m’a prévenu de régler l’exposition à -1 et même -2. J’avoue que je trouvais ça excessif, mais quand j’ai pris des photos j’ai compris qu’il avait raison.
- L’écran reste noir quand nous allumons la caméra. C’est l’aspect de la 5D auquel j’avais le plus de difficulté à m’habituer. Je m’attendais à voir le menu.
- Il n’y a pas moyen d’effacer toutes les photos dans un fichier. Il faut effacer des photos une à la fois ou effacer la carte mémoire au complet.
- Sa simplicité est une de ses faiblesses aussi. Par exemple, la 5D ne nettoie pas automatiquement son capteur, comme les caméras modernes. Il faut le nettoyer soi-même ou payer quelqu’un. La caméra n’indique pas l’ISO dans le viseur à moins de presser un bouton. La caméra ne corrige pas les imperfections. Nous devons les corriger à l’ordinateur, ce qui ajoute une étape et demande du temps.
En raison du petit écran, il faut imprimer les photos ou les regarder soit sur un ordinateur ou un téléphone intelligent pour bien voir leur beauté. L’écran sert plutôt à nous indiquer le menu, à confirmer notre composition et à nous prévenir si la lumière dans la photo est en surbrillance. Si oui, les endroits d’une photo qui ont capté trop de lumière clignotent.
Avec la 5D (à gauche), il faut pousser un bouton pour voir le menu. Avant de m’accoutumer, j’avais toujours l’impression que la caméra était éteinte. Quant au 5D II (à droite) et les autres appareils Canon modernes, le menu s’ouvre en allumant la caméra. Remarquez également le petit écran de la 5D en comparaison de celui de la 5D II.
Le menu est très facile à naviguer.
À gauche: Le menu dans le viseur de la 5D contient peu d'informations. De gauche à droite, nous y voyons la vitesse d’obturation, l’ouverture, le posemètre et le nombre de photos possibles de prendre en rafale. Il manque l’ISO ce qui oblige le photographe à s’en souvenir ou à pousser le bouton ISO. En le poussant, l’ISO paraît dans le viseur, ce qui ajoute une étape de plus.
À droite: Dans le cas de la Canon 7D II, nous voyons en tout temps l’ISO, ce qui est plus commode. Dans cet exemple-ci, l’ISO se trouve à 1600.
À gauche: Si vous regardez dans les coins, vous voyez qu’ils sont un peu foncés. Cette imperfection s’appelle du vignettage. La 5D ne le corrige pas. Les caméras modernes en sont capables.
À droite: Afin de corriger le vignettage sur la 5D, vous devez vous servez d’un logiciel à l’ordinateur. Cela demande du temps, surtout si vous avez de nombreuses photos à corriger.
Maintenant, vous connaissez mieux la 5D. Il serait donc utile de se demander si elle pourrait survenir à vos besoins photographiques. Si vous êtes un journaliste ou un photographe bousculé par le temps et les dates de remise, la 5D ne vous aidera pas. Trouvez-vous une caméra moderne si vous n’avez pas de temps à perdre sur la correction ou gardez la 5D pour vos projets personnels.
La 5D n’est pas une caméra pour les photos de sports non plus. Cela ne veut pas dire que vous ne pouvez pas capter de belles images, mais la mise au point automatique fonctionne mieux lorsque le sujet ne bouge pas. D’autres caméras sont conçues pour les sports. Je pense à la Canon 7D II, la Nikon D500 ou une Sony de la série Alpha.
Il est possible de capter des sujets qui bougent avec la 5D, mais d’autres caméras font mieux la tâche.
Pour les paysages, les natures mortes, l’architecture, le studio ou pour la photo sur trépied, la 5D se trouve dans sa gloire. Les couleurs seront superbes. Au niveau de la photographie en noir et blanc, la 5D s’avère un excellent choix aussi.
Je trouve que la 5D prend des photos qui sont toutes aussi belles que celles d’une caméra moderne.
Je vais partager un truc avec vous. Si vous mettez l’ISO de la 5D à 800, le bruit numérique ressemble à du grain de film. Cela ajoute du caractère à l’image sans avoir à développer une pellicule
Quant à la photographie de la faune, assurez-vous d’être près des animaux ou de vous servir d’une lentille zoom de plus de 400 mm. Si vous avez à recadrer agressivement vos photos, la 5D n’est pas au rendez-vous. Elle n’a que 12,7 mégapixels.
Étant donné que j’étais trop loin de ce chevreuil, j’ai dû beaucoup recadrer l’image, mais le sauge et l’herbe manquent de détail. La fait que l’ISO soit à 3200 n’aide pas. La 5D ne produit pas beaucoup de bruit numérique. À la place, elle cache le bruit en enlevant du détail.
Je me suis rapproché du même chevreuil et j’ai moins recadrer ce qui a sauvé un peu de détails au niveau de la végétation.
J’ai pu me rapprocher à quelques pieds de ce faon. Donc, je n’étais pas obligé de beaucoup recarder la photo, ce qui a préservé le détail dans son pelage et dans l’herbe. L’ISO se trouvait à 1600.
La photo de gauche a été captée par une 5D avec une lentille de 50 mm f/1,8 tandis que celle de droite a été captée avec un 5D IV et une lentille de 50 mm f/1,2. La 5D date de 2005 et coûte environ 325 $ alors que la 5D IV, qui date de 2016, coûte environ 3 000 $. Comme vous voyez, il n’y pas eu beaucoup d’évolution quant à la qualité des images durant la décennie qui sépare les deux appareils, certainement pas assez pour justifier dix fois le prix. Photo: Pablo Strong sur www.diyphotography.net
Pour la photographie des gens, la 5D est également au rendez-vous. Elle vous sera utile pour des photos de vos amis ou des photos de famille, quoiqu’elle est moins portable qu’un téléphone intelligent.
Comme nous l’avons vu, malgré son âge, la 5D produit d’excellentes images. En termes de qualité des images (c’est-à-dire du détail, de la clarté et des couleurs), la 5D reste compétente. Depuis le début de l’ère numérique, il n’y a pas eu besoin de beaucoup d’évolution en termes de la qualité des images. Les premières caméras numériques étaient déjà performantes. Par contre, les manufacturiers ont intérêt à vendre des appareils. Pour ce faire, ils incitent le public à croire qu’il faut de nouvelles fonctions comme le Wi-Fi ou le suivi oculaire. J’avoue que ces fonctions rendent la tâche plus facile, mais elles ne sont pas nécessaires car elles ne créent pas de plus belles photos.
Vous n’avez pas besoin d’une nouvelle caméra pour prendre de bonnes photos. Plutôt que de dépenser des milliers de dollars sur la caméra la plus récente, il serait mieux de verser quelques centaines de dollars sur un modèle usagé et ensuite dépenser le reste de votre budget sur des cours de photographie. Ce sont vos connaissances qui feront de vous un meilleur photographe, pas votre équipement. Un photographe habile peut se servir d’un appareil de base et obtenir de meilleures images qu’un photographe avec une caméra haut de gamme, mais qui ne sait pas s’en servir.
La 5D, est une caméra abordable et compétente aux couleurs splendides. Cela étant dit, elle ne vous gâtera pas. Ne cherchez pas chez la 5D une caméra moderne. Elle ne l’est pas. Il faut l’accepter telle qu’elle est avec son inclinaison vers la surbrillance et son mauvais écran. La 5D ressemble à une caméra à film dans la mesure que vous aurez à attendre un peu pour voir la beauté de vos images car l’écran ne vous la montrera pas. En somme, il faut faire confiance à la 5D. Elle vous donnera des images à en être fier, mais faites à sa manière.
Je vous invite à partager vos photos avec nous. Prière de les envoyer à dliboiron4@hotmail.com et d’y inclure une courte description.