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WebOuest Est-ce que la chasse a un rôle à jouer dans le monde moderne?
Cerf mulet. Photo: Dominique Liboiron

Est-ce que la chasse a un rôle à jouer dans le monde moderne?

L'art de la photographie: la lumière est notre pinceau
Par Dominique Liboiron | 2 décembre 2023
Nous voici en plein dans la saison de chasse. Ce rituel d’automne évoque la passion chez certains, mais également l’incompréhension ou le dédain chez d’autres. Ces opinions divergentes vis-à-vis de la chasse posent une question importante. Compte tenu du nombre d’épiceries de grande surface ouvertes jour comme la nuit et que la nourriture n’a jamais été plus abondante, est-ce qu’on a encore besoin de la chasse?
Avertissement: Ce blogue contient des photos de gibier abattu lors de la chasse.

Dans le passé, les humains vivaient de chasse et de cueillette. Par contre, ce modèle de subsistance n’existe presque plus. De nos jours, les gens, y compris les fermiers, achètent leur nourriture dans les épiceries et les restaurants. Bien qu’efficace, le présent modèle n’échappe pas à la critique. Par exemple, peu cher et pratique, le « fast food » se caractérise autant par son goût artificiel et son excès de gras, de sel ou de sucre. Le « fast food » explique en partie l’épidémie d’obésité en Amérique du Nord.

Pour ce qui est de la nourriture qui se vend dans les épiceries, de plus en plus de gens rejettent les agents chimiques et les agents de préservation qui se retrouvent soit dans la production, soit dans la conservation des aliments. 

Originaire de Ponteix en Saskatchewan, Tania Liboiron fait partie du groupe. Élevée sur une ferme, Tania a des parents qui s’impliquaient dans la production de la nourriture. Sa mère Diane élevait des poules et cultivait un potager tandis que son père Marcel semait du blé. Durant son adolescence, Tania élevait des lapins. Comme jeune femme, son amour des animaux l’a poussé vers une formation pour devenir aide vétérinaire. Durant sa vingtaine, elle a entraîné des chevaux en France, en Australie ainsi qu’en Angleterre. 

Durant sa trentaine, elle a décidé de chasser. Elle explique que de moins en moins de personnes participent au plus élémentaire des besoins humains – se nourrir.

« Je chasse surtout pour m’impliquer dans la quête de nourriture. C’est quelque chose qui ne se fait plus car nous vivons dans des villes et nous sommes trop occupés. J’aime s’avoir d’où vient ma nourriture, » explique-t-elle. « La viande sauvage vient de ma région et ne contient pas de d’agents de préservation, c’est de la viande biologique. »

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En plus de se procurer de la nourriture de sa région, Tania campe là où elle chasse aussi. Elle et moi avons installé ma tente en canevas dans le Parc des collines de Cyprès lors d’une chasse durant l’automne de 2009. Photo: Dominique Liboiron
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Les tentes en canevas s’emploient souvent lors d’une chasse dans les régions éloignées. Ces tentes se transportent bien en avion ou à cheval. Une fois sur les lieux, les chasseurs se servent de tronc d’arbres comme poteaux. Photo: Dominique Liboiron
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Tania n’a eu besoin d’un seul coup pour abattre son premier chevreuil. Elle s’est servie d’une carabine à poudre noire de calibre .50. Photo: Dominique Liboiron
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Tania entreprend la boucherie d’un chevreuil. Le cerf de Virginie est un des animaux les plus chassés en Amérique du Nord. Abondant et retrouvé dans plusieurs écosystèmes, le chevreuil offre une viande nutritive qui est faible en matières grasses. Malgré l’abondance de nourriture dans les épiceries du Canada, nous n’y trouvons pas toujours une alimentation nutritive et saine. Alors que le gibier nous procure une viande de première qualité. Photo: Dominique Liboiron
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Tania a préparé des brochettes avec de la venaison, des piments rouges et des oignons. L’expérience de chasser sa propre nourriture et de la préparer soi-même semble donner un meilleur goût aux repas. Photo: Dominique Liboiron

En plus de sa quête de se nourrir soi-même, Tania ajoute que la chasse maintient les populations de gibier à un niveau stable. Elle souligne que les humains doivent chasser parce qu’ils ont éliminé la plupart de prédateurs naturels qui pourraient maintenir l’équilibre d’un écosystème. 

« C’est moins cruel de tirer un chevreuil par exemple que de le laisser mourir lentement de famine parce qu’il vit dans une région sans prédateurs. Les chevreuils deviennent trop nombreux et manquent de nourriture. »

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L’orignal se répand de plus en plus dans le sud de l’Alberta, de la Saskatchewan et du Manitoba, surtout dans les zones agricoles où les loups ont été exterminés durant le peuplement de l’Ouest. Une surpopulation d’orignaux peut mettre en péril la vie humaine, plus précisément celle des automobilistes. Compte tenu son corps massif, un orignal peut entraîner des blessures graves et même mortelles lors d’un accident. Donc, les chasseurs servent à éviter la surpopulation de certaines espèces en l’absence de prédateurs naturels, ce qui protège les êtres humains. Photo: Dominique Liboiron

Bien que la chasse maintienne des populations de gibier à un niveau équilibré et qu’elle fournisse de l’alimentation nutritive, la viande sauvage coûte beaucoup plus cher que la viande domestique. La chasse est une activité dispendieuse qui demande un investissement considérable au niveau de l’équipement. Les fusils et les munitions coûtent chers. De plus, la chasse exige souvent des heures de travail physique sans garantie de succès.

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Me voici en silhouette avec un antilope que j’ai chassé en 2010. Si je calcule le coût de mon essence et de mon permis, les 30 livres de viande m’ont coûté environ 150 $. Cela dit, personne n’a une aventure en achetant du bœuf haché à Safeway. La chasse est une expérience qui augmente notre qualité de vie. (J’aimerais ajouter qu’il restait assez de lumière pour exposer la photo correctement, mais que j'ai fait exprès pour noircir l’image. Mon intention était de créer un parallèle entre le soleil qui s’éteint et la vie de l’antilope qui vient de s’éteindre.) Photo: Dominique Liboiron
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Au Canada, l’antilope habite dans le sud de l’Alberta et de la Saskatchewan. Il aime les espaces ouverts. Sa vue est très raffinée. Ce que l’être humain voit à l’aide de longues-vues, l’antilope le voit à l’œil nu. Photo: Dominique Liboiron
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Quant au cerf mulet, sa vision est presque aussi bonne que celle de l’antilope, mais il l’emporte au niveau de l’ouïe. Grâce à ses oreilles grandes comme celle d’une mule, le cerf mulet entend les sons les plus faibles, surtout lorsqu’il bouge ses oreilles dans tous les sens pour mieux les capter. Photo: Dominique Liboiron

Pour atteindre son objectif, le chasseur doit étudier son gibier, ses habitudes et ses caractéristiques. Joël Potié de Saskatoon était un étudiant de biologie à l’Université de la Saskatchewan lorsqu’il a commencé à chasser. Selon lui, la poursuite de gibier complète ses études universitaires. « Quand je vais à la chasse, j’apprends à mieux connaître les animaux, comment ils pensent et comment ils vivent. » De plus, Joël dit qu’il comprend mieux le rôle des prédateurs parce qu’il va chercher ses connaissances à la source.

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Joël Potié chasse pour plusieurs raisons, mais surtout afin de passer du temps dans la nature tout en cherchant à en apprendre plus au sujet de la faune et la flore. Le voici avec son premier cerf de Virginie. Je tiens à noter que Joël l’a obtenu avec un seul coup d’une .303 à mire ouverte; oui, c’est-à-dire sans lunette de visée à une distance de 75 mètres. Photo: Dominique Liboiron

Comme bien d’autres chasseurs, Joël a développé un respect profond du gibier et de l’environnement qui lui permet de vivre. Les chasseurs veulent protéger les espèces et leur écosystème. 

Afin d’assurer que leur sport puisse continuer, les chasseurs se sont intéressés au plus grand problème auquel font face les populations d’animaux sauvages: la perte d’habitat. Pour protéger la nature, les chasseurs ont créé plusieurs organismes; les plus connus sont Canards Illimités et la Rocky Mountain Elk Foundation. Le but de ces groupes est simple: en protégeant l’habitat de leurs gibiers préférés, le canard et le wapiti, il est donc possible de protéger tous les mammifères, les oiseaux, les reptiles et les plantes qui forment un écosystème.

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Ensemble, Canards Illimités et la Rocky Mountain Elk Foundation ont vu à la conservation de millions d’hectares. À quel coût? la vie d’animaux individuels abattus par des humains chasseurs, mais jamais au dépens de l’espèce. Ici, Tania nous montre sa prise de canards. Photo: Dominique Liboiron

Pour certains non-initiés, il peut être difficile de comprendre comment les chasseurs aiment leur gibier et cherchent à le tuer. Voilà la dualité des êtres humains et le paradoxe de la chasse. 

D’autres non-initiés ne pensent pas être en mesure de tirer un animal. Même les chasseurs avec beaucoup d’expérience n’aiment pas tuer. Ce n’est pas plaisant. Et probablement qu’on ne s’accoutume jamais à la mort d’un animal.

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Bien des gens qui ne chassent pas se demandent s’ils pourraient tuer un chevreuil, d’autant plus si l’animal les regarde ou leur fait penser à Bambi. Photo: Dominique Liboiron

Cependant, il existe des tâches dans la vie qui nous semblent impossibles tant qu’on ne les maîtrise pas. Par exemple, à l’âge de 5 ans nous avons l’impression de ne jamais pouvoir garder notre équilibre en vélo. Mais quand nous passons au-delà de nos limites, une vie avec plus de possibilités s’ouvre à nous. 

Le fait de tuer du gibier est un geste grave qui entraîne des émotions fortes telles que la gratitude et le respect. Ces sentiments encouragent les chasseurs à rendre honneur à la vie de l’animal et de ne pas gaspiller la nourriture qu’il nous accorde. La mort encourage une révérence de la vie. Dans cette mesure, la chasse aide les humains à vivre avec plus d’appréciation et plus de grâce.   

Le rôle de la chasse évolue selon l’époque. Dans le monde moderne, la chasse contribue à une alimentation saine et aide à gérer la population de certaines espèces. Elle améliore la qualité de vie du chasseur et encourage la protection de l’environnement. Elle augmente aussi notre connaissance de la biologie. En plus, elle crée chez les chasseurs un amour des animaux et de l’habitat où ils vivent. Cet amour fait du chasseur un être humain qui vénère la nature. Est-ce qu’on a encore besoin de la chasse? Oui. Absolument. 

Photos des lecteurs

Gerry Liboiron est originaire de Ponteix en Saskatchewan. Il a grandi en chassant, surtout dans sa province et en Alberta. Il habite maintenant au Texas, un État qui possède une flore et une faune bien différente de celles de l’Ouest canadien. Ici, Gerry nous montre un tatou. Il l’a relâché après la photo.

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Photo: Gerry Liboiron

Souvent, la chasse est une histoire de famille. Élevé sur un ferme près de Coderre en Saskatchewan, Marcel Huel a commencé à faire de la chasse avec son père à l’âge de 12 ans. Ce chasseur compte maintenant plus de 45 années d’expérience. Le voici avec sa prise de deux faisans qu’il a chassé en 2018 avec l’aide de Keeva, le chien de son gendre Gabriel Hamon.

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Photo: Gabriel Hamon

La chasse est un moyen de tisser des liens parmi les membres de la famille. La photo nous montre quatre des frères Liboiron à la suite d’une chasse fructueuse autour de Ponteix, il y a une trentaine d’années. De gauche à droite, nous voyons mon oncle Marcel, mon oncle Raymond, mon père Renald, mon oncle Gilles (qui a froid) et leur ami Roméo Privé.

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Photo: Renald Liboiron

Le Fransaskois Jean-Paul Monvoisin de Gravelbourg derrière le wapiti qu’il a tiré dans le sud de la Saskatchewan en 2016.

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Photo: Jean-Paul Monvoisin

Jocelyn Baillargeon de St-Marc-sur-Richelieu au Québec scrute le terrain lors de sa première chasse en Saskatchewan. Il a dû modifier ses techniques de chasse issues des forêts de la belle province pour s’adapter à celles des aux prairies. Il a vite compris que s’il voit un chevreuil, le chevreuil le voit aussi. Dans le bois, c’est plus facile de se cacher.

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Photo: Jocelyn Baillargeon

Jocelyn a réussi. Il a complété sa chasse pas loin de Maple Creek, une communauté dans le sud-ouest de la Saskatchewan. La photo remonte à 2009.

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Photo: Jocelyn Baillargeon

Je vous invite à partager vos meilleures photos avec nous. Prière de les envoyer à dliboiron4@hotmail.com et d’y inclure une courte description.

 

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