Souvent, dans ces types de scénarios, les émotions prennent le dessus et écartent la possibilité d’interagir avec transparence et franchise. Cela peut diminuer la qualité d’une décision au sein d’un groupe. Comment respecter ses émotions, ses besoins ET trouver la capacité d’exprimer sa vérité?
Un processus qui répond directement à cette question est l’application de la prise de décision par consentement, un des principes de la méthode sociocratique de gouvernance.
Tissée étroitement dans les valeurs démocratiques, la sociocratie ajoute un équilibre unique dans la structure d’une organisation. Comment définir la sociocratie? C’est une méthode de gouvernance avec des principes et des outils qui garantissent un pouvoir partagé.
On peut aussi dire que la sociocratie est une gouvernance collaborative qui invite tous les membres d’une équipe à partager leurs idées pour enrichir les décisions stratégiques. Le pouvoir de prendre des décisions et d’agir est distribué de façon équivalente dans l’équipe.
Une personne est encouragée à soulever des objections à des propositions quand elle perçoit que la décision en discussion pourrait avoir des impacts négatifs sur les buts de l’organisme. Soulever une objection dans ce contexte devient un devoir. L’équipe accueille l’objection et retravaille la proposition de manière collaborative pour s’assurer que le résultat sera positif pour l’organisme.
D’où vient la méthode sociocratique de gouvernance? C’est Gerard Endenburg, un ingénieur néerlandais, qui a fait de son entreprise un laboratoire pour expérimenter avec l’application de la sociocratie. J’aimerais vous partager une histoire vraie qui a contribué au développement de la méthode sociocratique de gouvernance.
C’était à la fin des années 1970, quand l’entreprise Endenburg Electrotechniek de Rotterdam au Pays-Bas a été touchée par l’effondrement du secteur de la construction navale au pays.
Le conseil d’administration devait envisager des licenciements importants. Environ la moitié des employés du département « Bateaux » a dû être mise à pied en raison de la baisse de la charge de travail.
Max, un machiniste du département « Assemblage », a eu l’idée d’une autre solution. Plutôt de licencier les membres restants du département « Bateaux », il propose une idée hors des sentiers battus. De donner une formation accélérée à la vente pour que l’équipe puisse dénicher d’autres contrats pour l’entreprise. Cette formation serait donnée par le département « Ventes ».
Grâce à la méthode sociocratique de gouvernance et son principe unique de communication entre les départements, les représentants de ce « double lien » ont pu faire monter la proposition au cercle général pour ensuite se rendre à la table du conseil d’administration.
Nous pouvons imaginer qu’en situation traditionnelle, il serait inhabituel pour un conseil d’administration de recevoir une proposition d’un de ses départements qui se trouve en bas dans la hiérarchie.
Pour mieux comprendre, le conseil d’administration a invité le machiniste Max à une réunion pour expliquer sa proposition en détail. Avec les rétroactions des membres du conseil d’administration, certains ajustements ont été faits à la proposition.
À la fin de la discussion, les membres du conseil ont consenti à la proposition de donner de la formation en vente aux employés du département « Bateaux », sauvegardant leurs emplois, avec un mandat d’aller faire de la vente pour l’entreprise.
ET cela a fonctionné!
Trois semaines plus tard, l’entreprise avait suffisamment de nouveaux contrats pour annuler les licenciements originaux dans le département « Bateaux ». De plus, l’entreprise avait diversifié sa clientèle et en était plus forte.
Sans la méthode sociocratique de gouvernance, l’idée de Max, un simple employé du département « Assemblage » n’aurait jamais trouvé son chemin au sein du conseil d’administration.
Endenburg Electrotechniek existe toujours aujourd’hui. Les employés et leurs partenaires ont célébré leur 90e anniversaire en 2018 sur le SS Rotterdam. Lors de cette célébration, le directeur général, Job Knoester, a souligné 3 événements majeurs dans la vie de l’entreprise: 1928 l’année de fondation, 1950 adoption du nom Endenburg et 1984 adoption formelle de la méthode d’organisation en cercle sociocratique comme gouvernance, reconnue officiellement par le gouvernement des Pays-Bas.
J’ai eu le privilège de rencontrer Gerard Endenburg à deux reprises. En 2007 quand il était de passage à la première conférence mondiale sur la sociocratie tenue à Whitehorse au Yukon. Et en 2018, quand je participais à une conférence sociocratique à Namur en Belgique. C’est un homme humble et brillant qui nous laisse un héritage unique: la méthode sociocratique de gouvernance.