
Je ne savais pas trop dans quoi je m’embarquais, mais voilà que je me suis inscrite avec mon amie Geneviève Murchison (50 ans, la madame!) à un ultramarathon de course en sentier de 50 km dans le Whiteshell, au sud-est du Manitoba.
La compagnie organisatrice, Trails of ‘Toba, offre plusieurs distances pour cette course : 8, 25, 50, des relais, ou alors le sentier complet, soit 100 km. L’Association des Scouts du Canada a créé et développé le sentier. Cette année, l’événement comptait 443 coureurs.
Geneviève court depuis plus de 10 ans, elle a aussi couru plusieurs demi-marathons. Moi? Je croyais qu’un gel, c’était pour les coiffeurs, pas pour les coureurs! J’ai couru un demi-marathon à Adelaide en Australie en 2024.
Mon raisonnement devant la course nommée Suffer on the Centennial? « Ah oui, c’est une bonne idée, on peut le faire! Allez, ça va être le fun. »
J’ai découvert après l’inscription l’entraînement nécessaire : augmenter le volume de kilomètres de 5 % de façon hebdomadaire, jusqu’à atteindre 75 km de course en une semaine.
On n’avait que 12 semaines d’entraînement avant le jour J.
J’ai atteint mon pic à 53 km en une semaine. J’ai écouté mon corps, pas Monsieur entraîneur nommé ChatGPT… et j’ai espéré pour le meilleur!
On y est. Dans le stationnement du sentier McGillivary Falls, dans le parc provincial du Whiteshell, entourées de 105 coureurs pour ce 50 km.
À une minute du départ, on décide d’aller aux toilettes. À 10 secondes, j’ai presque terminé!
Pas grave, nous aimons les faux départs.
De toute façon, une fois immersées dans le sentier, nous sommes bloquées. Un vrai peloton. Impossible de dépasser : trop étroit, trop escarpé. Geneviève s’impatiente : classique!
On décide alors de bavarder tout en courant. On philosophe sur la vie, les projets, les choses sur lesquelles on veut travailler pour être de meilleures personnes.
La fraîcheur de l’air, l’humidité des racines, l’adhérence de la roche, les gazouillements d’oiseaux. La nature nous enveloppe.
Nos semelles battent la cadence sur mélange de roche et de terre humide, tout près du lac Caddy.
Après une vingtaine de kilomètres, on court sur du gravier et dans la forêt près du lac West Hawk pour traverser le village Falcon. À ce moment, je me dis que j’essaierai peut-être le sentier complet de 100 km l’an prochain. Après tout, mon niveau de douleur est de 2/10.
Trente racines, dix entorses mentales et cinq montées plus tard, je ravale mes ambitions de 100 km.
Pour les derniers 12 km, on entre dans la partie la plus technique : une boucle complètement hors piste. Pour moi, l’endurance commence ici. J’ai mal aux pieds, aux chevilles, aux genoux.
Nous sommes dans une station de ski avec des montées et des descentes à Falcon Ridge. Je continue, avec un niveau de douleur de 5/10. Contre toute attente, je ne suis pas en pleurs. Juste en sueur.
La nourriture des coureurs s’avère souvent ultra transformée. Le petit estomac de Geneviève a de la misère. Les gels, ce n’est pas pour elle. Je la vois vomir de l’air. J’ai de l’empathie, j’ai presque mal au cœur avec elle. Une leçon? La prochaine fois, on carburera aux patates.
La délivrance franchie à grande enjambée
Après une course de 7 heures et 27 minutes, on aperçoit la ligne d’arrivée. L’art du spectacle habite Geneviève. Elle nous surprend, moi et les spectateurs, avec une superbe enjambée. C’est très amusant, je la rejoins comme une gazelle et je freine pour qu’on traverse la ligne d’arrivée ensemble. Voilà, 7 heures 28 minutes.
Évidemment, j’ai perdu mon numéro, alors je n’ai pas mon bon temps affiché.
La ligne d’arrivée : c’est plus qu’un lieu, c’est un état d’esprit. Et un peu une hallucination quand tu as mal partout.
Et maintenant? J’ai quatre orteils sur dix qui sont bleus ou noirs, une médaille en bois, et l’étrange envie de recommencer un nouveau défi.