Mary Anne Williams née Deschamps dit Rabaska, à droite sur la photo tenant un bébé dans ses bras, et sa famille immédiate.
Source: Sherry Leigh Williams
J’ai eu la chance de correspondre récemment avec Sherry Leigh Williams, une artiste visuelle Métisse de grand talent, passionnée par l’histoire de ses ancêtres aux patronymes évocateurs: Hénault dit Canada et Deschamps dit Rabaska. L’arbre généalogique de Sherry nous fait voyager de l’Atlantique au Pacifique, avec des ancêtres en incessants déplacements depuis l’arrivée des pionniers venus de France au 17e siècle. On entre ici dans les méandres généalogiques d’une très grande famille canadienne-française et Métisse et je vous invite à vous y perdre avec moi!
On trouve donc dans l’arbre généalogique de Sherry Leigh Williams à la fois des Hénault dit Canada et des Deschamps dit Rabaska. Et aussi des Hénault ou Héneault ou Enno dit Deschamps et des Hénault dit Delorme, de quoi en perdre son latin! J’ai passé deux jours entiers dans les archives en ligne à essayer d’identifier chaque génération de cette famille depuis leur ancêtre commun, Jacques Hénault dit Canada. Voici ce que ça donne.
Les historiens sont perplexes devant l’utilisation du surnom Canada, tel que le premier ancêtre, Jacques Hénault dit Canada le portait, ainsi que ses descendants. Rien dans les écrits du 17e siècle ne donne d’explication sur son origine. On sait seulement que l’attribution d’un surnom était chose courante chez les soldats de la Nouvelle-France.
Jacques Hénault dit Canada est né vers 1635-1636 à Lisieux dans le Calvados. Soldat de la compagnie de Saurel au régiment de Carignan-Salières, il arrive en Nouvelle-France en 1665. Huit ans plus tard, il épouse une fille du roi, Marie Leroux. La famille vit à Berthierville (dans Lanaudière) où Jacques exerce le métier d’agriculteur jusqu’à son décès en 1690.
Chose rare à l’époque, Pierre Hénault (Énaud) dit Canada est le seul enfant de Jacques et Marie. Né vers 1668-1669, il épouse Marie Anne Ratel à Sorel, en 1688. Pierre et Marie Anne ont 9 enfants.
Un lien avec le Manitoba et la Nation Métisse: L’arrière-petite-fille de Pierre et Marie Anne, Marie Antoine Hénault dit Delorme, épouse en 1783 Jean Baptiste Riel dit L’Irlande. Ils sont les arrière-grands-parents paternels de Louis Riel, héros Métis, fondateur du Manitoba.
Sautons ici quatre générations pour arriver à la naissance de Charles Hénault dit Canada dit Enno, né en 1779 à Berthierville. Il épouse Suzanne Philippe en 1799 et au décès de celle-ci, Charles se rend vers le Manitoba où il épouse une Métisse d’origine crie, Marie Iris Gray. De ce mariage naissent plusieurs enfants dont Marguerite qui vivra en Alberta et Charles qui fondera une famille à Saint-Claude au Manitoba. À noter que Charles Hénault dit Canada (père) est mort en France en 1850, mais rien dans les archives n’indiquent les raisons de son déplacement en Europe.
C’est ici, à la 7e génération de Hénault dit Canada depuis l’ancêtre Jacques que se croisent les Hénault dit Canada et les Deschamps dit Rabaska, deux familles Métisses de la Rivière-Rouge.
Vers 1845, François Deschamps dit Rabaska (vers 1824-1890) épouse Marguerite Hénault dit Canada (1830-1870). Ce couple et leurs dix enfants quittent le Manitoba vers 1860. S’établissant d’abord dans la région de Lac La Biche en Alberta, la famille se déplace ensuite vers Edmonton et fait partie des pionniers Métis de St. Albert, une mission catholique fondée en 1861 par le père Albert Lacombe.
On sait peu de choses des ancêtres de François Deschamps dit Rabaska. Son père portait le même prénom que lui et sa mère se prénommait Marie Dagneau Daigneault. Il aurait immigré directement de France et il fabriquait des charrettes durant ses années au Manitoba. Ensuite, la piste familiale se perd, car je n’ai pas réussi à confirmer ces informations et à remonter plus loin dans l’ascendance. D’autres sources mentionnent un François Deschamps né à Vaudreuil en 1793, marié à Marie Daigneault et mort à Hawkesbury en Ontario, mais là encore, aucun document pour le confirmer.
D’où vient le surnom Rabaska? Ici encore c’est un mystère. Le rabaska est le nom donné aux grands canots d’écorce dont se servaient les peuples algonquiens, les voyageurs et les Métis. Dans les contrats de voyageurs, on retrouve aussi le nom Rabaska qui semble désigner un poste de traite dans le nord du Manitoba.
Le fils de François Deschamps dit Rabaska et Marguerite Hénault dit Canada, Baptiste Deschamps dit Rabaska est né au Manitoba en 1850. Il a 10 ans quand sa famille déménage en Alberta. À Edmonton en 1871, il épouse Marguerite Bérard, elle aussi originaire du Manitoba. Leur fille Mary Anne, née en 1875, est l’arrière-grand-mère de Sherry, l’artiste que je vous présentais au début de cet article.
Mary Anne Deschamps dit Rabaska a vécu avec son époux Henry Williams et leurs 9 enfants dans une maison célèbre à Edmonton. Située dans le John Walter Historic Area, un terrain historique protégé sur les rives de la rivière Saskatchewan Nord, c’est une demeure considérée comme la plus ancienne d’Edmonton. Il s’agit d’une maison de style rustique en rondins équarris construite en 1875 que l’on peut visiter encore aujourd’hui, comme l’a fait récemment Sherry Leigh Williams pour marcher dans les pas de ses ancêtres.
🔸 En ligne: un entretien avec un artisan Atikamekw d’exception : César Newashish (1902-1994), qui fabriquait des rabaskas.
🔸 Livre intitulé: Le régiment de Carignan-Salières par Marcel Fournier et Michel Langlois aux éditions Histoire Québec.
