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WebOuest Le patronyme Delorme, 2e partie : Le drame métis dans les Prairies
Photo : Chasseurs de bisons de la brigade des chasseurs métis de Cypress Hills en 1874. Crédit : Boissevain Community Archives.

Le patronyme Delorme, 2e partie : Le drame métis dans les Prairies

Le nom de famille, tout un héritage!
Par Martine Bordeleau | 2 avril 2022
Au XIXe siècle, la lutte pour leurs droits a été ardue pour les premières familles métisses dont les Delorme du Manitoba. Elles ont été expulsées de leurs territoires de chasse, de leurs villages, méprisées par la montée colonialiste, et réduites au silence par la société canadienne après la Résistance du Nord-Ouest en 1885. Malgré tout, les Delorme persistent et signent. Aujourd’hui, ils peuvent se vanter de compter parmi leurs ancêtres des hommes et des femmes qui ont lutté avec honneur et conviction pour les droits des Métis. Voici quelques-unes de leurs histoires.

La lignée de Saint-François-Xavier au Manitoba

 

Urbain Delorme dit Hénault (1802-1886)

Urbain est né à Saint-François-Xavier d’un père voyageur, François Enos (ou Hénault) dit Delorme et d’une mère autochtone, Madeleine Charlotte. À l’âge de quatre ans, son père l’envoie vivre chez ses tantes à Berthierville, au Québec. À son retour à Saint-François-Xavier à l’âge de 17 ans, Urbain devint un illustre capitaine de campements de chasse aux bisons pendant vingt-cinq ans, ce qui lui valut les surnoms de Chef des Prairies et d’Homme riche des Prairies.

 

Joseph Delorme, surnommé Com Capetain Delorme (1849-date de décès inconnue)

Fils d’Urbain Delorme, Joseph est né à Saint-Francois-Xavier en 1849.  Il a d’abord joué un rôle dominant dans la résistance métisse de 1869-1870 au Manitoba. Il aurait été membre de la cour martiale du gouvernement provisoire de Louis Riel qui a condamné à mort l’orangiste Thomas Scott en 1870.

Quelques années plus tard, Joseph Delorme s’établit en Saskatchewan. Il prend les armes aux côtés de Gabriel Dumont à la bataille de Duck Lake en mai 1885, ce qui déclenchera la Résistance du Nord-Ouest. Blessé durant cette bataille, il a finalement été arrêté en juillet par l’armée canadienne, reconnu coupable de trahison en août et finalement libéré sous conditions. 

Il a fini ses jours à Calgary où il vivait avec son épouse Lizette McLeod et leurs cinq enfants.

 

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Catherine Delorme (1825-1895)

Née à Saint-François-Xavier comme son frère Joseph et son père Urbain, Catherine Delorme a épousé un chasseur de bisons métis de son village, Daniel Donald Ross en 1848. Ils ont eu douze enfants. Dans la cinquantaine, ils se sont établis en Saskatchewan, à la Coulée des Tourond sur la rivière Saskatchewan. jusqu’à ce que la lutte pour leurs droits change tragiquement leur vie. Daniel Ross est tombé au combat le dernier jour de la Résistance du Nord-Ouest, le 12 mai 1885. Les tombes de Catherine et de son époux Daniel se trouvent dans le cimetière Saint-Antoine de Padoue à Batoche.

 

Madeleine Delorme (1868-1958)

Fille d’Urbain Delorme, qui portait le même prénom que son père, Urbain, Chef des Prairies, Madeleine Delorme est née à Saint-François-Xavier où elle a grandi jusqu’à son mariage avec Ludger Gareau, à Batoche, en 1884. Son époux était le charpentier à l’origine de la construction de bâtiments importants dont le presbytère et l’église que l’on peut visiter aujourd’hui dans le parc national de Batoche. C’est dans la maison de Madeleine et Ludger que se tenaient les réunions de la résistance dirigées par Gabriel Dumont. En mai 1885, alors que Madeleine et Ludger étaient en voyage de noces à Montréal, le général Middleton, qui dirigeait l’armée canadienne contre les Métis, a ordonné d’incendier leur maison, prétendant qu’elle obstruait leur ligne de tir. L’année suivante, Madeleine et Ludger se sont établis dans un ranch à Pincher Creek en Alberta. En choisissant cet endroit, Madeleine se rapprochait de sa sœur, Marie-Rose Delorme Smith, dont la vie a été racontée par sa petite-fille, Jock Carpenter, dans un livre biographique intitulé Fifty Dollar Bride

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Photo : Madeleine Delorme et Ludger Gareau à Batoche le jour de leur mariage en 1884. Crédit : Christine (Gareau) Aldridge

 

Voici un résumé de la vie de deux autres personnages importants de l’histoire métisse de l’Ouest qui portaient aussi le patronyme Delorme.

Pierre Delorme (1832-1912)

Né à Saint-Boniface, le négociant de fourrures et agriculteur métis Pierre Delorme, qui signait parfois De L’Orme, a joué un rôle important en politique dès la création du Manitoba. Il a fait partie du gouvernement provisoire de Louis Riel en 1870. Il a aussi été tour à tour juge de paix, député manitobain, député fédéral, ainsi que ministre de l’Agriculture et président du Conseil exécutif de l’Assemblée législative du Manitoba en 1879. À la fin de sa carrière politique, il est retourné à sa vie de fermier à Saint-Adolphe où il meurt en 1912. 

Parmi ses descendants, on compte son arrière-petit-fils, George R.D. Goulet, né à Saint-Boniface en 1933, conférencier, militant des droits des Métis et auteur de nombreux ouvrages historiques sur les Métis dans l’Ouest.

Il est à noter que la maison où Pierre Delorme a vécu à Saint-Adolphe, construite en 1857, a été déménagée dans le parc provincial du patrimoine de Saint-Norbert dans les années 1980, où elle est aujourd’hui dans un état de délabrement avancé, faute de fonds pour la rénover. 

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Photo : Membre du gouvernement provisoire du Manitoba, 1870. Rangée du fond, Pierre Delorme est le deuxième à partir de la gauche. Crédit : Société historique de Saint-Boniface

 

Joseph Delorme (1854-1941)

Il y a plusieurs Joseph Delorme qui ont vécu dans l’Ouest au cours de son histoire récente. 

Cet autre Joseph Delorme que je vous présente ici est né à la Rivière-aux-prunes** au Manitoba. Il s’est distingué à Batoche comme son lointain cousin de Saint-François-Xavier. Il s’est battu aux côtés de Gabriel Dumont et Louis Riel en 1885, à Fish Creek où il vivait avec sa famille. Pendant les affrontements avec l’armée canadienne, sa femme Eliza et ses enfants se sont cachés dans les collines des alentours. À leur retour à Fish Creek, ils ont constaté que les soldats avaient tué tout leur bétail et Joseph avait disparu. Eliza n’a pas su pendant deux ou trois mois si son époux avait survécu à la bataille pendant laquelle Joseph avait été gravement blessé. Après Batoche, Joseph Delorme a reçu un lopin de terre à Sainte-Amélie au Manitoba où il a fini ses jours.

**Rivière-aux-prunes : nom donné à Saint-Jean-Baptiste par les familles métisses qui se sont établies dans la région avant que Mgr Alexandre Taché ne rebaptise la paroisse en 1872.

Source : livre historique de Laurier, Sainte-Rose-du-Lac et Sainte-Amélie

Les SOURCES

 

 

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